Chapitre 6

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Alessandro se recroquevilla sur son lit. Lequel ne ressemblait plus vraiment à un lit, dorénavant : draps et cousins brûlés, matelas consumé... A peine était-il rentré, il y a de cela deux heures et demi, que déjà tout allait mal. Depuis la dispute qu'il avait eu avec Madoka, un feu dévorant, ardant, lui ébouillantait le ventre et la tête. Au collège, la sonnerie avait eu juste le temps de sonner, et sa sœur filer, que déjà il partait en courant vers la grille d'entrée de l'établissement. Bien sûr, celle-ci étant fermée, il avait dû l'escalader - en brûlant une partie des barreaux, au passage. Il n'avait pas fait attention à la discrétion et, franchement, c'était bien la dernière chose à laquelle il avait pensé. En fait, tout ce qui avait eu de l'importance, c'était s'échapper, courir loin du collège, rentrer à la maison et s'enfermer dans sa chambre. Et une fois à l'intérieur de celle-ci, il avait laissé sortir toute la douleur qui le torturait depuis hier soir. Et celle-ci était bel et bien sortit, sous la forme... De flammes. De véritables flammes rouges, qui avaient brûlé la moquette et le lit, avaient engloutit une bonne partie des livres de la bibliothèque et avaient réduit en cendres quelques tee-shirts qui traînaient par-ci par-là. Sur le coup, Aless n'avait pas réfléchi, laissant simplement le feu sortir de ses mains, comme un geste naturel, hurlant toute la rage et la douleur qu'il contenait. Il l'avait laissé consumer la moitié de sa chambre sans rien faire. Mais maintenant que tout était fini, que la douleur s'atténuait peu à peu, il sentit soudain tout le poids des évènements s'abattre sur lui : la dispute avec sa jumelle, ses terribles maux de ventre et de tête, et le fait qu'il puisse... Qu'il puisse...

Faire jaillirent de ses mains des flammes. Des flammes.

C'est moi qui ai fait ça... C'est de mes mains qu'est sorti ce feu... Mais comment ? C'est impossible ! Ça n'existe pas... Cela ne se peut... Ou alors je suis maudit ?

Alessandro tournait et retournait ces pensées en boucle dans sa tête. L'odeur de brûlé se fit de plus en plus forte, malgré que le feu se soit éteint - heureusement, il n'y avait pas de détecteur de fumée dans leur maison. L'angoisse le submergea. Il ne rêvait pas, tout cela était réel ! Mais, une fois de plus, comment ? Comment cela a t-il pu se produire ? Les larmes lui vinrent aux yeux et il ne fit aucun effort pour les retenir. Elles coulèrent à flot, trempant les joues d'Aless dont le diaphragme se soulevait et s'abaissait à un rythme irrégulier. L'horreur envahit son cœur.

C'est moi qui ai fait ça... C'est moi qui ai fait ça...

Que lui arrivait-il ? Était-ce une malédiction ? Madoka était-elle atteinte, elle aussi ? Allait-elle bien, à l'heure qu'il était ? Ou était-elle en proie avec une terrible douleur ? Le jeune garçon ne savait pas. Cela lui fit encore plus mal à la tête. L'angoisse fit bientôt place à la colère. Une colère rouge, brûlante, tout comme le feu qui avait fusé de ses mains, un peu plus tôt. Pourquoi cela lui arrivait-il ? Pourquoi lui ? Il n'avait jamais rien demandé ! Tout ce qu'il souhaitait, c'était de trouver sa place ! Pas autre chose ! Certes, parfois il avait rêvé d'aventures ou de magie, mais il ne le pensait pas vraiment, en réalité... A moins qu'il y ai pensé tellement fort que c'était vraiment arrivé ?

Et me voilà victime d'un pouvoir que je ne désirais même pas... Je ne peux m'en vouloir qu'à moi-même !  

Il hurla une nouvelle fois, ce qui ne fit que faire apparaître une flamme de taille moyenne au pied du lit. Aless la regarda danser, s'agiter, comme pour le narguer, comme pour dire "C'est trop tard, maintenant. Tu ne pourras pas te débarrasser de moi, je suis une malédiction que tu ne pourras pas conjurer !"

Le jeune homme bondit de son lit et se rua sur son armoire, dans laquelle il s'empara d'un sweat. Il se servit de celui-ci pour taper la flamme, l'étouffer, la faire disparaître. Et, en effet, quelques secondes plus tard, elle mourut. Seule marque de son ancienne présence : une trace noire comme les ténèbres, les ténèbres qui nous envahit et dont on ne peut jamais se débarrasser...

Alessandro se laissa tomber à genoux. Qu'allait-il faire, maintenant ? Que dirait-il à son père ? A Maddie ? Il ne savait pas... Il ne savait plus.

A cet instant, il se sentit plus seul qu'il ne l'avait jamais été.     


Aranïi tome 1 : Les héritiersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant