Chapitre 2

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Madoka Greyver chantonnait sur le chemin qui menait à sa maison. Elle se sentait légère, son cours de théâtre s'étant passé pour le mieux, et l'arrivée précoce du froid n'avait fait qu'emplir son cœur de bonheur. Elle adorait l'hiver, qui était sa saison préférée. Elle s'était toujours demandé comment certaines personnes faisaient pour redouter l'hiver. La neige, le givre, la glace, les enfants dévalant des pentes, armés de leurs luges, les bonhommes de neiges qui semblaient saluer les piéton qui passaient devant les habitations ou dans les parcs, les douces et chaleureuses lumières des boutiques qui illuminaient les chauds manteaux et les belles bottes à l'intérieur de celles-ci, sans oublier celles des décorations de Noël, qui n'allaient pas tarder à être accrochée... Oui, vraiment, c'était une saison magnifique ! Encore plus joyeuse, la jeune fille se mit à trottiner sur les derniers mètres qui la séparaient de chez elle.

-Je suis rentrée ! S'écria-t-elle, toute pimpante, en refermant la porte derrière elle.

Des bruits de pas se firent entendre de l'étage et, quelques minutes plus tard, Alessandro, le frère jumeau de Madoka, dévalait les escaliers.

-Enfin, répondit-il en s'affalant dans le canapé, un livre à la main - cela aurait étonné Madoka.

-Quoi, enfin ? Lui demanda-t-elle en retirant chaussures et manteau.

-Je m'ennuyais tout seul, lui avoua Aless en calant un oreiller derrière son dos, et en portant le livre à son visage.

-Pfff ! Marmonna sa sœur, t'ennuyer ? Toi ? Tu as un livre, il me semble !

Aless se tourna vers elle.

-Je l'ai fini, déclara-t-il, il y a trente minutes. Et je n'en ai pas achetés de nouveaux.

Madoka leva les yeux au ciel. Ce que son frère pouvait être pénible, parfois ! Dès l'instant où il n'avait plus de livres à lire, il s'ennuyait. Et il ne lui venait jamais à l'idée de surfer un peu sur le Net, comme la plupart des ados, non, lui préférait broyer du noir dans sa chambre en attendant le retour de sa sœur.

-Tu n'es pas croyable ! S'exaspéra la jeune fille, tu ne changeras donc jamais ? Tu ne t'intéresseras donc jamais à quelque chose d'autre que les livres fantastiques ?

Son jumeau se redressa et ferma son ouvrage qu'il posa sur la petite table basse.

-J'ai bien essayé, tu sais, Maddie, répliqua-t-il. Mais tout fini par me lasser : le dessin, si je n'arrive pas à faire deux yeux de la même proportion, je déchire ma feuille ; le sport, je ne suis ni endurant, ni assez courageux pour m'inscrire à un club ; la musique, je n'ai pas l'oreille musicale, et, pour moi, tout instrument se ressemble ; et puis l'idée d'écrire m'avais plus d'une fois traversé l'esprit, mais ce que j'en tirais à la fin me dégoûtais tellement que j'ai abandonné cela, aussi.

Maddie vint s'assoir à ses côtés et plongea son regard de feu dans celui de glace de son frère. Ils avaient toujours étaient différents, lui et elle, et cela même jusqu'au physique : ses cheveux à elle étaient très longs et légèrement bouclés dans le bas, d'un marron caramel limpide et brillant ; ceux d'Aless étaient coupés courts et luisaient d'un blond platine presque blanc. Leurs yeux étaient l'incarnation du feu et de la glace, et leurs caractères étaient si inversés qu'ils formaient leurs propres contraires. Cependant, les jumeaux s'entendaient à merveille, et rien n'aurait pu creuser un fossé entre eux.

Maddie soupira. Elle savait que ce qu'elle allait dire ne plairait pas à son frère.

-Il faut que tu te forces, Aless. Tu es un garçon plein de talent, c'est juste que tu ne sais pas t'en servir. Il faut que tu sortes de la bulle que tu t'aies créé, que tu cherches, que tu essayes, que tu persévères ! Tu as de la ressource, mais tu ne le vois même pas. C'est cela qui est déprimant.

Le jeune garçon se leva et baissa les yeux.

-C'est bien beau de dire tout ça, mais toi, tu ne sais pas ce que ça fait. Tu es exactement là où tu veux être. Moi pas. Je sens que ce n'est pas là qu'est ma vraie place.

-Ne dis pas ça ! Chacun à sa place en ce monde !

Aless regarda sa sœur, prit son livre et s'apprêta à remonter, lorsque Madoka l'arrêta.

-Alors... Lui demanda-t-elle, où penserais-tu qu'elle serrait, ta place ?

Il se dégagea doucement et s'éloigna vers sa chambre, en répondant :

-Je ne sais pas.

Aranïi tome 1 : Les héritiersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant