Chapitre 15

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Quelque chose s'était produit, quelque chose d'important, un évènement singulier... Il pouvait le sentir. Son corps le lui faisait clairement sentir : une partie était comme liée à cette chose, comme si des cordons incassables les reliaient, les unissaient à un même gène, quelque chose de très profond... Mais une autre était comme tiraillée par une faible douleur, comme une anomalie qui se trouvait quelque part, en ce monde, en cet univers, et qui pourtant n'avait pas sa place à l'intérieur de celui-ci. C'était... Étrange. Agréable mais désagréable en même temps... Qu'est-ce que cela pouvait-il bien signifier ? Il chercha au plus profond de lui cette sensation, il se laissa envahir par elle, la ressentant de tout son être...

Et soudain, il sut. Mais oui, c'était évident ! Comment avait-il fait pour ne pas le remarquer plus tôt ? Maintenant, il n'avait plus aucune hésitation sur la question : les pouvoirs de son héritier s'étaient enfin développés. Enfin ! Après treize longues années à attendre qu'ils se montrent... Cela avait été long. Il avait fait une erreur en pensant qu'Izora ne se rendrait compte de rien... Par sa faute, elle était retournée à Capréïa, emportant avec elle son descendant, son héritier, et le mettant au monde dans ce maudit royaume, par la même occasion. Le pire, c'était qu'elle avait enfanté son héritier à elle le même jour. Des jumeaux...

Brihms frissonna. Pas de froid, évidemment, mais de colère et de dégoût. Et dire que cette reine de pacotille avait donné à son enfant, le digne descendant de Tenmagia, un jumeau qui lui portait le sang souillé de la lignée d'Eaôsse ! C'était impardonnable. Et elle avait osé lui arracher son petit prince, le cachant sur cette minable planète qu'était la Terre ! Comme s'il ne l'aurait pas deviné ! A bien y réfléchir, elle était morte pour rien, croyant sans doute que sa ruse durerait aussi longtemps que le lui permettrait la chance. Treize ans seulement ! Pour Brihms, cela n'était rien. Il ricana en pensa à la pauvre reine enterrée avec tout l'amour et l'espoir qu'elle avait toujours placé en la vie et en ses sujets. Comme c'était pathétique ! Lui, Brihms, le Seigneur des Glaces et des Ténèbres Éternelles, savait pertinemment qu'il n'y avait que la force, le pouvoir et la crainte comme seuls lois de l'univers.

C'est pourquoi il fallait qu'il retrouve son fils, et annihile par la même occasion la lignée d'Eaôsse. Et enfin, Capréïa ne fera plus qu'un avec Agapé, et Aranïi aura comme seuls souverains lui, le grand Brihms et son jeune héritier.

-Lément ! Appela-t-il de sa voix glacée.

Une seconde plus tard, son fidèle ministre - ou plutôt sa poupée de compagnie ? - sortit de derrière une colonne de glace et s'avança vers son roi, d'une démarche assurée, bien que le stress le titillait de l'intérieur.

-Oui, Votre Altesse ? Répondit-il.

-Prépare une troupe de Goodrins et prend avec toi le Poignard d'Aömbre, coordonnées de la Brèche Ouest. Tu auras également besoin de mon cristal.

A ces mots le roi tendit à son ministre une chaîne en argent, au bout de laquelle pendait un pendentif en cristal, dans lequel un liquide pourpre était enfermé. Ce n'était autre que le Médaillon de Tenmagia, un cristal que tous les descendants du dieu suprême de la Glace et des Ténèbres se confiait de générations en générations. Le liquide pourpre était le sang de Tenmagia lui-même, et ce cristal avait la particularité de reconnaître les héritiers directs de celui-ci en produisant de la lumière lorsqu'il se retrouvait proche de l'un d'entre eux. Un objet primordial pour retrouver l'enfant de Brihms.

-Vous savez quelles sont vos instructions, n'est-ce pas, Lément ? Continua celui-ci en se levant de son trône et en se dirigeant vers l'une des grandes fenêtres de la salle.

-Oui, Votre Altesse. Ramener le descendant de Tenmagia et celui d'Eaôsse. Ne blesser aucun d'entre eux, car vous voudrais avoir le plaisir de tuer vous-même le prince de Capréïa.

Brihms hocha la tête. Oui, il sera celui qui éliminera définitivement la lignée royale de Capréïa, et rendra gloire et honneur à son ancêtre. Il n'aurait aucun mal à le faire, puisse que l'héritier n'est âgé que de treize ans au plus. C'était presque trop facile !

-Alors vous pouvez y aller, Lément, ordonna-t-il en fixant de ses yeux bleu de glace son premier ministre. Bientôt, je serrai le roi absolu de ce monde.

Oui, dorénavant, rien ne pourra l'arrêter.

Aranïi tome 1 : Les héritiersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant