Chapitre 16

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Inutile de décrire ce qui se passa ensuite. Ils marchèrent. 

Céleste finit par s'écrouler, de fatigue et de peur, au grand désarroi de ses compagnons qui avaient déjà bien du mal à se supporter eux même. 

"Qu'est ce qu'on fait maintenant, je ne sais plus, je.. on devrait faire un point, ou peut être..." bégaya Aurélius qui frisait la crise de panique. 

La lune de sang les surplombait toujours. Alors qu'il contemplait l'astre, il comprit qu'il n'y aurait jamais de matin. Il avait calculé depuis son réveil. Cette nuit sans fin, ils n'en sortiraient pas. 

Les lampes ne s'éteignaient pas, malgré leur fort éclat sans discontinu. Ils marchaient toujours tout droit, sans atteindre la limite de quoi que ce soit, subissant des attaques, et pourtant des éléments humains se trouvaient dans ce paysage qui n'en avait aucune caractéristique. 

La maison, le labyrinthe, la grotte, des endroits où se dissimuler. 

La maison, le labyrinthe, la grotte. Le labyrinthe, la grotte, la maison, le labyrinthe, la grotte, la maison, la grotte, la maison, le labyrinthe, la grotte, la maison, le-

-Aurélius ? 

Il sursauta à l'appel de son nom. Io le dévisageait d'un air inquiet. 

Titane, Io, Céleste, Orion, que devait-il penser d'eux ? Pourquoi les autres avaient-ils disparus ? Pourquoi eux ? Qu'avaient-ils de spécial ? Fallait-il simplement expliquer cette succession d'événement au nom du hasard ? 

-Elle s'est réveillée. 

Céleste, pâle comme un linge, se tenait debout en serrant ses lèvres, les yeux larmoyants.

Toutes ces visions, ces rêves, ces hallucinations qu'elle subissait. Pourquoi elle ? Comment l'expliquer ? 

-Excuse moi Aurélius... Je... je suis désolée, je n'arrêtes pas de nous ralentir, mais je n'y... je n'y peux rien. Quand je m'évanouis, je vois toutes ces choses qui me tournent autour en gémissant. 

-Ce n'est rien... soupira t-il. 

-Et si nous n'existions pas ? 

Tous se tournèrent dans la direction d'Orion, abasourdis d'enfin l'entendre parler. 

-Co... comment ? bégaya Titane.

-Et si nous n'existions pas ? répéta le jeune homme,  et si nous n'étions que des créations ? Ou des souvenirs piégés en une mémoire ? 

-Non... murmura Aurélius, je suis certain d'exister. 

-Vraiment ? 

-Tais toi ! s'écria t-il.

-Ça suffit, merde ! cria Titane, arrêtes de trembler comme une mauviette dès qu'on émet une hypothèse qui dépasse ta science ! Tu ne peux rien expliquer, mais regarde où on se trouve !

Il joignit le geste à la parole, désignant l'espace vide.

Frissonnant, Aurélius répondit à voix basse :

"Tu sais quoi ? Je crois que ce n'est plus la peine d'aller où que ce soit, de réfléchir à une solution. Parce que ça ne mène nul part. On se retrouve dans des lieux sans fin. Le néant. Alors, je crois que je préfère mourir maintenant que de continuer à errer au hasard !"

-Ne dis pas ça ! s'exclama Céleste en le secouant par l'épaule, je t'en prie !

-Comment peux tu encore espérer ! hurla t-il en se dégageant, tu n'es pas fatiguée de toutes ces visions ?

Leur yeux rencontrèrent Orion, qui pointait du doigt quelque chose en face d'eux. Tournant lentement la tête, ils distinguèrent les contours d'une imposante demeure qui émergeait de la brume. 

"Ce... ce n'était pas là il y a quelques instants..." chuchota Io. 

Céleste approuva en silence. Son regard fut attiré par, ce qui semblait être une silhouette , postée à l'une des fenêtres. Mais, comme s'il l'avait remarqué, l'individu disparut. 

-Il y a quelqu'un à l'intérieur. annonça t-elle. 

Les autres la regardèrent, effarés. Sauf Orion, qui s'avança, morne :

"Vous ne voulez pas savoir ce qu'il y a là dedans ?"

-Non, n'y allons pas, s'il vous plait ! les supplia Io. 

-Est ce que tu vois un autre endroit ? Ne t'en fais pas, je ne te laisserais pas seule, promit Titane. 

Ils ne laissèrent pas le choix à la jeune fille et grimpèrent les marches du perron. Orion allait poser sa main sur la poignée de la porte d'entrée, quand celle-ci s'abaissa et se releva brusquement à plusieurs reprises, comme si quelqu'un, de l'autre côté, essayait de sortir. Ils restèrent en suspens, car si le loquait bougeait frénétiquement, aucun cri ou coups contre la porte ne résonnaient. Enfin, il s'arrêta.

Orion saisit la poignée. Il ouvrit brusquement. 

Un vent glacial les balaya. Le garçon entra en élevant sa lampe à hauteur de son visage. On ne distinguait rien.

"Est ce qu'il y a quelqu'un ?"

Seul l'écho répondit.

Un pas. Deux pas. Le sol craquait. Peut être un escalier au fond de la pièce. Trop de brume.

"AAAAAH !"

Céleste avait poussé un hurlement strident. Pile en face d'elle,  une très vieille femme, dont on devinait le visage squelettique à travers les multiples voiles. Sans rien dire, elle s'éloigna, sa robe traînant au sol, pour disparaître dans l'obscurité. 

Io gémit :

"Je veux partir..."

-On continue ! décida Titane d'une voix forte. Céleste, ça va ? 

-Ou-oui.

Ils gravirent les escaliers en se tenant tous par leur lampes. Céleste enserrait du plus fort qu'elle pouvait les doigts froids d'Aurélius et d'Orion. 

Sans crier gare, le silence fut rompu par un vrombissement assourdissement. Les murs parurent fondre en coulées noirâtres. Les jeunes gens voulurent s'enfuir, mais dans la panique, chacun lâcha la main des autres. Ils couraient, mais le sol s'effondra, emportant avec lui une partie du groupe. 

Dans sa chute, Céleste ouvrit grand les yeux, et elle vit, derrière ses amis restés là haut, un amas d'ombre menaçant, penché au dessus d'eux. 

Avant les AsphodèlesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant