Cette lune éclairait une vallée, qu'ils découvraient pour la première fois. Au centre, quelques pierres subsistaient, provenant manifestement d'une ancienne construction. Malgré tout, ce spectacle n'était pas le plus effrayant. Des "esprits", allaient et venaient, de leur pas lent et pesant.
-Bordel de merde, lâcha élégamment Eden.
Personne ne lui répondit.
-Mais qu'est ce que c'est que cet endroit ? gémit Titane.
-On dirait l'Enfer, répondit Orion d'un ton sinistre.
-Qu'est ce qu'on doit faire Aurélius ? demanda Callisto.
Il réfléchit un instant.
-Peux tu les repousser ?
-Comment.... je.... je crois que oui, mais ça risque d'en attirer d'autres non ?
-J'en sais rien ! Alors, tu peux ou non ? s'impatienta t'il.
-ATTENTION, DERRIERE VOUS !!!!!
Céleste réagit au quart de tour et dévala la pente, suivit de près par les autres. Elle tourna un instant la tête et vit qu'un groupe "d'esprits" s'était dangereusement rapproché d'eux.
Malheureusement, leurs hurlements en avaient attirés d'autres.
Ils couraient, se tordaient les genoux, les chevilles, se bousculant, rattrapant ceux qui trébuchaient. Mais où aller ? Où se cacher ?
Bientôt, ils furent encerclés.
-CALLISTO ! Bouge toi ! Repousse les ! CALLISTO !
Cette dernière, paniquée, agitait désespérément ses bras, comme si elle avait des pouvoirs magiques, impuissante, inutile.
-Je... je... PARTEZ ! JE... JE VOUS EN CONJURE !!! PARTEZ ! Pa...
Elle perdit connaissance tandis que Io se mit à suffoquer, ce qui n'arrangeait personne. Ils observaient leurs opposants : Les "esprits", des hommes, des femmes, des indéfinissables, tous courbés, tristes et gris, parfois effrayants... et surtout, silencieux.
Titane hurla soudainement :
-Une brèche !
Ils ne mirent qu'un dixième de seconde pour comprendre de quoi il parlait. Titane jeta Callisto sur ses épaules, Céleste prit ses jambes à son cou et tous la suivirent. Une brèche venait de s'ouvrir entre deux énormes rochers à une centaine de mètres et sans se poser de questions, ils y couraient. Mais la jeune femme trébucha sur quelque chose et chuta.
Emportés par leur élan, et par la peur il faut l'avouer, les autres ne s'arrêtèrent pas.
Elle gémit sur le sol, le souffle coupé par la douleur.
-Debout. Vite.
Aurélius la releva avec rudesse et la prit sur son dos. Il courut, ployant sous l'effort, haletant.
Quand ils arrivèrent à la brèche, les autres avaient déjà disparu. Ils s'aperçurent que c'était une pente dont l'issue disparaissait dans le noir, et sur les parois, se reflétait la danse de flammes, provenant sans nul doute d'en bas. Comme il hésitait, le jeune homme se retourna. Les "esprits" se rapprochaient, toujours plus près. Il regarda à nouveau la brèche. Pas le choix.
-Cette fois, c'est vraiment l'enfer, murmura t'il.
Il avança un pied.
-Qu'est ce que tu fais ? hurla Céleste en se débattant, non, n'y va pas Aurélius, n'y va pas ! On va mourir !
Il inspira un grand coup et sauta, comme dans un toboggan.
-AAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !!!
-AAAAAAAAAAAAAAAAAAH !!!
Leurs propres cris leurs perforaient les tympans, ils ne cessaient de se cogner l'un contre l'autre, de se heurter avec leurs lampes, malmenés par l'irrégularité du terrain.
La glissade se termina brusquement par une chute.
Ils s'écrasèrent sur le sol où ils demeurèrent inconscients, accrochés l'un à l'autre quelques secondes.
Sentant la pierre froide contre sa joue, Céleste ouvrit les yeux.
-Debout Aurélius.
Elle se redressa douloureusement et observa l'endroit où ils avaient atterris. C'était une caverne, immense, profonde, glaciale. Ça et là, on pouvait distinguer des stalactites. En se tournant, Céleste aperçu son groupe, non loin d'elle.
-Eh ! Vous allez bien ? les interpella t-elle.
Ils levèrent la tête, tristement. Io était au milieu du cercle et pleurait, des sanglots déchirants. Callisto avait les joues trempées de larmes, elle aussi. Eden semblait impassible, mais la jeune femme devina qu'elle se retenait de craquer. Titane fixait avec obstination ses chaussures sans lui répondre.
-Qu'est ce qu'il se passe ? s'écria Céleste, un peu affolée.
-On craque tous...
-J'EN PEUX PLUS ! J'EN AI MARRE ! S'IL VOUS PLAIT, JE VEUX RENTRER CHEZ MOI ! RAMENEZ MOI CHEZ MOI ! hurla Io.
Titane se jeta à son cou et la tint longuement contre lui. Ses petites mains serrèrent tant le sweat-shirt du garçon que ses jointures en devenaient blanches. Elle se calma peu à peu.
-On va tout faire pour rentrer chez nous, c'est promis.
Elle hocha la tête, un peu rouge, avant de retourner dans les bras de Callisto. La jeune femme caressa maternellement les cheveux châtains et raides de l'adolescente.
Un éclair fusa dans l'esprit de Céleste. Elle se retourna et vit le corps d'Aurélius, toujours allongé.
-AURELIUS !
Les autres sursautèrent et se ruèrent vers lui.
Une large flaque de sang progressait, entourant leur ami, d'un halo sombre.
Eden le gifla et le secoua sans succès. Callisto tentait d'écouter son cœur, soudain, elle intima aux autres le silence. Un son très léger, comme le bruissement des feuilles dans le vent résonna. Il s'amplifia, et ils réalisèrent avec horreur qu'il provenait du jeune homme.
Celui ci s'assit brusquement, mût par une volonté qui ne semblait pas être la sienne, et vomit tout ce qu'il pouvait. Io poussa un cri de surprise tandis que tous s'écartèrent avec dégoût. Il perdit à nouveau connaissance et des tremblements l'agitèrent, comme lors d'une crise d'épilepsie.
Ses paupière s'ouvrirent, il poussa alors un affreux râle. Des ronces lui sortirent de la bouche, du ventre, des poignets. Elles grandissaient vite, perçant, déchirant les organes, la peau, les muscles sur leur passage. Les plantes crevèrent ses orbites, enserrèrent son cœur qui éclata, aspergeant les autres de sang. Tous ses fluides corporels se mélangeaient sur le sol.
Ayant réduit en charpie la moindre de ses cellules, les plantes s'attaquèrent aux témoins de ce massacre, qui jusque là, trop horrifiés par ce spectacle, étaient restés tétanisés. Céleste sentit les branches forer sa cage thoracique, s'enfoncer profondément pour trouver son cœur, l'entourer, le presser, si fort, si fort... son cri s'étrangla et se transforma en une supplique muette. L'univers devint noir.
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Avant les Asphodèles
HorreurCéleste se réveille sous une nuit noire et vide. Elle n'a d'autre choix que de marcher pour comprendre où elle est, et pourquoi.