Chapitre 1

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Wendy

                Mes bottines raclent les tuiles du toit. Intentionnellement, bien sûr, car il doit m'entendre venir. La peur doit nouer sa gorge avant même mon entrée en scène.

Sans un bruit, je bascule de la gouttière au rebord de la fenêtre, et infiltre le trente-deuxième étage. C'est généralement là que les chambres à coucher sont arrangées. Là que se trouvent les cibles endormies.

Quelle stupidité de sa part ! Laisser ainsi une fenêtre ouverte en pleine nuit faisait preuve d'une bêtise ahurissante, à croire que notre homme est aussi blanc qu'un agneau. Ou peut-être est-ce de l'arrogance ? Quoi qu'il en soit, cela n'aurait plus d'importance dans quelques minutes.

La pièce dans laquelle je me trouve ressemble à un salon, malgré le désordre qui y règne. Des journaux étalés un peu partout tapissent le parquet en compagnie de breloques telles qu'une cuillère à café, une vieille montre et une housse de violon. L'instrument en question est vulgairement posé contre le pied d'un fauteuil à bascule. Je m'en approche et effleure le manche - de l'épicéa, probablement. Doté d'une excellente sonorité. Je rêve d'en posséder un semblable, mais de tels objets ne sont pas facile à trouver.

Reprenant conscience de l'environnement, je me redresse et rejoins le couloir à pas feutrés. Une, deux, trois portes à droite et une à gauche. Au fond, un grand miroir terni. Je rencontre mon reflet et m'arrête une seconde. 

La fille qui me dévisage a tous les atouts pour susciter la crainte : chevelure noire, deux yeux plus rouges qu'un rubis, les traits plus morts que le marbre. Son visage est celui d'un fantôme, pâle et hautain. Elle est vêtue de son classique manteau sombre, si long qu'il effleure ses chevilles, aussi fluide que ses mouvements.

Je m'admire encore un instant avant de sortir mon vieux Tokarev, lui appliquant un silencieux. C'est une élimination qui doit se faire en toute propreté, non un sème-panique.

Un rayon rouge alerte soudain mes sens. Sans bouger d'un millimètre, je repère l'alarme dans le reflet : elle est suspendue au coin du plafond, juste au-dessus de ma tête. Modèle classique, à en croire la forme triangulaire. Cette région des New Kingdoms compte plus de trente milles résidences équipées du même appareil. J'ai donc exactement une seconde et demi de mouvements avant qu'elle ne se déclenche.

En un battement de cil, je pivote et la réduis d'une balle dans le détecteur central. Le bruit de fracas est plus puissant que je ne l'ai prévu, ce qui signifie que la cible n'est plus inconsciente.

Tant mieux. J'ai horreur de refroidir les gens endormis.

J'écrase les débris de plastique sous ma semelle, histoire de rendre l'atmosphère un poil plus angoissante. Qu'il sorte de son lit et vienne voir.

L'attente n'est pas longue. Un grognement se fait entendre de la deuxième porte, suivi d'un grincement de sommier et de plusieurs pas lourds.

L'homme qui ouvre alors la porte et fouille des yeux son couloir n'a pas cinquante ans. Dans la quarantaine, peut-être. Teint cireux, calvitie précoce, dos légèrement courbé, mais jeune. Je peux discerner la fatigue dans chacun de ses mouvements, et pas uniquement à cause de son demi-sommeil.

Cet homme est professeur de biologie et philosophie à l'Institut secondaire de Bushnell, réputé pour être adoré de ses élèves et de ses collègues. Ni femme, ni enfant, il consacre sa vie à sa carrière, qu'il chérit plus que tout. Son esprit profond connait une certaine notoriété, récemment due à la publication de son premier ouvrage : « La fourrure noire ».

Belle ironie.

Je perçois l'instant précis où il me remarque, debout face à lui, arme à la main, et regard flamboyant. Il ne réagit pas, excepté la brève résignation qui voile son expression. Il ne tente même pas de chercher l'interrupteur, comme ils ont tous la fâcheuse habitude de le faire. Comme si nous n'étions qu'un cauchemar qui disparaîtrait à la lumière. Non, à la place, ma cible lâche un profond soupir :

Les Enfants de la NuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant