Chapitre 3

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Wendy

19:00.

Le couloirs sont vides et sombres, à cet heure. Tous les agents dorment encore, c'est pourquoi je préfère me lever plus tôt. J'aime le silence, il me permet de faire le vide dans mes pensées.

Quand j'arrive au gymnase, Blazier m'y attend déjà. Grand, traits asiatiques et presque chauve, cet homme est maître en art martial japonais, russe et israélien. C'est aussi mon professeur préféré, bien que nous ne dialoguons jamais. Nous échangeons les coups plutôt que les paroles.

Sans me regarder, il me salue d'un bref hochement de barbichette, que je lui rends. Il m'attend les mains nues, je remarque. Nous travaillerons donc le combat rapproché. Parfait.

Je retire mon pull, m'étire, puis bande mes mains, mes poignets et mes chevilles. Et, comme d'habitude, il se jette sur moi.

Si Blazier est fort et massif, je suis mince et rapide. Il attaque et je dévie sa frappe contre lui. Mon meilleur atout est son propre poids, sa propre force. Nous exécutons une dizaine de fois les vingt prises les plus classiques, puis il s'écarte et me fait signe de grimper sur les poutres du plafond. J'obéis, et une fois tout en haut, il pointe le sol du doigt. Je saute sur le champ, roule pour amortir la chute, puis me redresse pour lui face aussi vite que possible. Il n'a pas bougé, et me refait signe de grimper tout en haut. Je ne soupire pas et obtempère, une fois, deux fois, trois fois. Et lorsque je sue enfin de partout, Blazier me rejoint sur les poutres et nous recommençons la série d'enchaînements.

L'entrainement dure environ quatre heures, sans pause, bien entendu. Mon corps me hurle de cesser toute activité physique, mais je choisis d'écouter ma tête. Elle constate que mon endurance a baissé de quelques crans, et qu'il est impératif de la remettre à niveau.

Vers 22h, Blazier s'écarte de moi et, les yeux rivés vers mes pieds, dit de sa voix si rare :

- Tu sais quoi travailler.

- Oui.

Il acquiesce, se retourne et sort de la salle. Une myriade de frappes, quatre mots. Son boulot est terminé pour aujourd'hui.

Je mets en marche la clim et inspire un grand coup, laissant l'air conditionné remplir mes poumons. Quelques étirements, et c'est reparti. Il me reste un peu moins de deux heures avant le Gong.

Je passe les 30 minutes suivantes à exécuter les 26 katas basiques, inlassablement. Ensuite, je quitte le gymnase pour remonter quelques étages, direction la salle de fitness.

Au bout du dernier couloir, je croise Tess, enfin « croise ». Emboutis, serait plus exact.

- J'espère que t'es plus adroite avec tes morts, siffle-t-elle.

Très drôle. C'est elle qui ne regardait pas.

- Tess, la salué-je.

Elle m'ignore et me contourne avec soin, comme une pestiférée.

- Ce couloir est interdit à la génération 37, l'informé-je.

- Et qu'est-ce que j'en ai a faire ?

Je pivote la tête et plante mon regard dans le sien, qu'elle s'empresse de détourner.

- Ta vie. Mais c'est toi qui vois.

Son point se serre et se desserre, au rythme de ses hésitations. Survie ou dignité ? Elle penchera vers la première option, je le sais.

- Sale machine, marmonne-t-elle en repassant devant moi.

Les Enfants de la NuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant