Chapitre 8

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Wendy

             Le dernier niveau de la Tour est bondé, comme à chaque pleine lune. Les agents, tous vêtu en tenue libre et noire, se pressent dans la galerie comme une masse de fourmis attirées par un morceau de sucre.

           Accroupie sur une poutre en acier, j'observe les multiples générations s'enchaîner sous mes pieds. Inutile de s'embourber dans la foule maintenant. L'ambiance excitée, mêlée à une odeur piquante de transpiration, me laisse particulièrement indifférente, si pas légèrement irritée. Je n'ai jamais très bien compris les raisons qu'avaient le Maréchal à appliquer soigneusement l'Arène comme habitude dans le quotidien de le Tour ; selon lui, il s'agit d'une manière plus qu'efficace afin de stimuler l'orgueil des agents. Être le plus fort. Un but aussi simple que tout-puissant, car il est, indépendamment de leur conscience, l'un des piliers qui donnent sens à leur vie, à chacun de leur actes. Obéissance, fierté, respectabilité.

         Tout nouvel arrivant, quelque soit son âge, doit irrémédiablement comprendre que la règle officieuse qui fait ordre ici-bas : les forts écrasent les faibles. Alors deviens fort. Encore et encore plus fort, car il y aura toujours quelqu'un pour te surpasser. Quelqu'un qui inspirera à la fois l'admiration, la crainte et le respect. Une personne incarnant l'idéal de chaque agent.

Cette personne, c'est moi.

Et l'idéal ne doit jamais se mêler à plus bas que soi, ce pourquoi je me trouve sur cette poutre.

            Je jette un oeil au fond du couloir, presque entièrement noir. Le flux d'agents se disperse progressivement, cette fois composé des plus anciens, des espions entre la génération 1 et 5. Sans même les voir, je pourrais les reconnaître, au rythme lent de leur démarche surentrainée, à leur respiration silencieuses, à leurs éclats de voix plus rares, plus rauques, plus avisés. Certains d'eux, les plus âgés, m'ont peut-être même repéré, et en ce cas, ils ont la sagesse de ne pas lever les yeux.

Je patiente encore quelques minutes, perchée dans les ténèbres du haut plafond, le temps qu'un petit groupe de retardataires se précipitent en riant dans la galerie.

          La puce accrochée dans le col de ma veste émet alors une brève vibration. C'est le signal de Dawkins, m'alertant que le moment est venu pour d'entrer en scène.

          Une souple flexion du corps plus tard, je me retrouve au milieu du couloir, désormais désert. L'entrée se trouve à 15 mètres devant moi, ses immenses portes vulgairement grillagées ouvertes sur un bruit tonitruant. Les acclamations fébriles de l'ensemble des agents enflent à mesure que mes pas se rapprochent de l'Arène.

          Et à peine ai-je franchi le seuil que le silence chute brutalement dans la salle. Une salle immensément vaste et pleine à craquer, le coeur de la Tour de Contrôle, le nid de la ruche ; une concentration des 10 000 Enfants de la Nuit surexcités. Et pas un seul chuchotement ne vient percer l'atmosphère.

           Ignorant sans peine les multiples regards rivés sur moi, je lève les yeux vers le fond de l'Arène, face aux loges de fer et de verre qui constitue ce pan du mur. Derrière son habituel double-vitrage, siégeant au centre de ses officiers les plus haut-gradés, le Maréchal me lance son plus beau sourire. Il est confortablement assis dans son fauteuil blanc, Dawkins à son côté ainsi que sa maîtresse actuelle. Quelques un de mes maîtres d'arme son également présent, Blazier entre autres. Mon père a donc requis leur présence afin de s'assurer de mon évaluation personnelle.

A-t-il à ce point perdu confiance en moi ? ne puis-je m'empêcher de songer. Cependant, cela signifie qu'il classe ma dernière erreur - l'insolence de mon retard - parmi une faute de compétence, non de volonté. Le Maréchal veut simplement s'assurer que les aptitudes de son meilleur soldat ne déclinent pas.

Les Enfants de la NuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant