Chapitre 4

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Jack

- L'agent Jack est requis dans les bureaux du niveau 0, chez le Major Dawkins.

La voix métallisée de l'Aboyeur résonne dans la salle de fitness, deux fois. J'interromps mes étirements et reprends pied dans le présent. Le regard interrogatif de Tabatha croise le mien. J'hausse les épaules, range le fauchard et reprend mon T-shirt.

- Qu'as-tu fait, cette fois ? s'enquiert Jasper.

- Rien, dis-je en me rhabillant. Du moins, rien qu'on ne puisse prouver.

- Eh bien, je reverrais mon mode furtif, à ta place.

Je consulte l'horloge à mon poignet ; il reste 10 minutes avant le Gong. Qu'y a-t'il donc de si urgent pour convoquer un agent en des horaires si serrés ?

- Il vaudrait mieux que je me bouge, dis-je. J'ignore ce dont il s'agit, mais ça doit être important.

- Peut-être une mission de dernière minute ? suggère Percy.

Ou une nouvelle caméra dans les cachots.

- Probablement.

Je l'espère.

- Je t'attendrai au bord de la cinquième route, me lance Jasper juste avant que je ne sorte.

Nous avions prévu de travailler ensemble, cette nuit. Un laboratoire situé au Nord de l'ancienne Ecosse devait être détruit le plus rapidement possible, mais cela allait peut-être devoir attendre. Mieux valait ça qu'autre chose : une entorse au code de l'agence nous vaut un jour sans pitance. Deux entorses, deux jours. Et lorsque le ventre d'un agent est dévoré par la faim, une faim sauvage, insatiable, les gênes modifiés déploient leur contrôle dans notre matière grise : l'animal prend alors le dessus sur l'humain, qui s'oublie au fil des heures. C'est comme si on nous mangeait un petit bout de notre âme à chaque sanction.

La dernière fois que je me suis fait prendre remonte à l'année passée. Dawkins en personne m'avait trouvé par hasard dans la salle des archives, le nez en plein documents confidentiels. J'en ai eu pour vingt-sept jours de privation. Avec un morceau de pain toutes les trois lunes, histoire que je continue de vivre le calvaire. Je me souviens encore de la douleur qui me broyait les entrailles. Mon ventre semblait vouloir se déchirer de l'intérieur.

C'était une bonne leçon, comme le dit souvent Dawkins.

Oh que oui.

Je ne me suis plus jamais fait prendre.


ϖ


                 L'immonde globe oculaire, fixé dans le métal de l'entrée, me détaille minutieusement de sa rétine verte avant de se rendormir. J'en profite pour lui tirer la langue, puis la porte s'enfonce dans le sol. Je pénètre pour la énième fois dans le bureau du chef de la sécurité, le Major Dawkins.

La triple pièce est immaculée, comme d'habitude. Le blanc des murs m'éblouit, bien qu'il n'y ait pratiquement aucun éclairage. Seul un faible néon bleu électrique cours le long des encoignures, nous plongeant ainsi dans une semi-obscurité. Dawkins n'étant pas un nocturne, le degré de luminosité est soigneusement calculé pour chaque entretien.

Une table de verre trône devant moi, derrière laquelle est assis notre homme. Les cheveux blancs impeccablement lissés en arrière, il ne lève pas la tête à mon arrivée. Ses petits yeux gris perçants sont rivés sur les multiples images qui se déploient sur son bureau.

Les Enfants de la NuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant