Chapitre 13

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Wendy

- Ce vin est épouvantable.

- La soirée l'est tout autant.

- Certes.

Orwald, Edgar et Gabriel font mine de bavarder de tout et de rien, mais je sens l'anguille sous la roche. Eux, ainsi qu'Adrian (dont les mains n'ont de cesse d'effleurer mon cou, mon épaule, ou ma hanche) font en ce moment tout leur possible pour détourner mon attention. Je crois deviner ce dont ils tentent de me préserver - ou plutôt, de qui. Mes multiples plaies, soigneusement maquillées ainsi que mon ventre, affreusement douloureux, ne me le rappellent que trop bien.

         En outre, ce fourreau rouge est peut-être agréable à regarder, cependant il gratte atrocement la peau. Et la faible lumière, à peine tamisée, semble plus forte que d'habitude. Le bruits des verres qui s'entrechoquent, les éclats de rire gras, la chaleur régnante, tout me semble plus irritable, aujourd'hui. Sans parler des courbatures naissantes dans le moindre recoin de mon corps, à des endroits dont j'ignorais même jusqu'à présent l'existence.

         Le Maréchal m'observe de loin. Il attend qu'Adrian m'invite à danser, afin d'ouvrir le gala comme il le sied à toute bienséance. Mon compagnon s'en doute certainement, il a très bien compris le petit jeu que mène on père. Il a également lui aussi noté les 3 coups d'oeil furtifs que ce dernier nous a déjà lancé depuis le début de la cérémonie.

Alors pourquoi Adrian ne m'entraine-t-il pas sur la piste ? Cela fait déjà 10 minutes que nous aurions dû entamer la première valse. Non que je m'inquiète de son attention décroissante à mon égard, cependant si les ordres implicites du Maréchal ne sont pas respectés, c'est sur mon dos que cela retombera.

          C'est alors qu'une brûlure familière effleure ma nuque. Mes 4 camarades se raidissent - le mouvement est presque imperceptible mais il ne m'échappe pas.

- Où est-il ? demandé-je à voix basse.

- 7 heures, répond calmement Edgar tout en remuant sa coupe de vin rouge, comme si nous discutions du beau temps. A 5 mètres et demi de toi.

5 mètres. Je peine à garder mon sang froid. La seule idée qu'il soit dans mes parages manque de me faire briser le verre que j'ai en main.

- Que fait-il ?

- Il t'observe, dit Orwald. Il te mange des yeux, même.

Gabriel éclate de rire, comme s'il venait de sortir une désopilante plaisanterie. Les autres suivent le mouvement, chacun surentrainés à dissimuler ses véritables pensées derrière une belle hilarité.

         Adrian passe à nouveau sa main sur ma hanche, et la pose plus fermement sur ma taille, cette fois. Je m'efforce de ne pas réagir, mais tout de même. La situation n'est-elle pas déjà assez tendue comme cela ?

- Attention, fait Gabriel en feignant de prendre une nouvelle gorgée de vin. Il approche.

En effet, la brûlure dans mon dos semble progressivement plus insistante.

Derrière nos larges sourires, chacun se prépare à l'affront verbal et mental qui va suivre.

- Je m'en occupe, lâché-je soudain, brisant la glace ambiante qui commençait à se former.

- Pardon ? s'exclame Adrian.

Mais je pivote déjà, les abandonnant à leur sort. Le soulagement est intense lorsque la main de mon compagnon retombe dans le vide, libérant ainsi ma hanche.

          Je marche vers Jack sous une pluie de regards avides. Tout le monde nous regarde, je dois en rester consciente. Cependant, Jack est un assassin, désormais, et deux assassins ont parfaitement le droit de dialoguer lors d'un gala d'Arène.

Les Enfants de la NuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant