Wendy
Nul besoin de jeter un oeil aux balcons de verre pour savoir que tout les regards de la haute hiérarchie pèsent sur moi. Le Maréchal est de retour, avachi sur son siège tel un roi sur son trône. Sa maitresse est installée sur son accoudoir, un bras nonchalamment drapé autour des épaules de mon père.
Ce moment est le mien. Il m'appartient, le Maréchal me le donne pour lui prouver ma fidélité.
Edgar, Orwald et Gabriel ont le tact de se taire lorsque, finalement, lentement, je me lève de mon siège de velours. Je suis à peine debout, surplombant toute la vaste salle, que la cacophonie ambiante s'estompe déjà. Et depuis le centre de la fosse, Jack m'envoie un nouveau sourire carnassier.
La dignité de la Louve m'enveloppe progressivement tandis je descends la volée de marches, mes pas résonnant dans un silence de plus en plus mortel.
Ma descente des gradins, rythmée par les pans noirs de mon manteau, soulève angoisse et chuchotements dans mon sillage. Je sais mon regard rouge, meurtrier, plus terrifiant que jamais, fixé droit devant moi sans la moindre émotion. Je sens l'habituelle peur se répandre dans la salle, crispant les visages et retenant les souffles. Mais je ne vois que le sourire de tigre qui me nargue.
Parvenue à la dernière marche, je pénètre enfin dans la fosse. Sans lâcher mon adversaire des yeux, je saisis mon katana, spécialement suspendu à cet effet du côté gauche de la grille, celle qui nous sépare du public.
Pas de fourreau. C'est donc une boucherie directe qu'attend le Maréchal.
Jack m'envoie un baiser provocateur.
Mon père. Vos ordres sont mes désirs.
Jack exécute un moulinet impatient de son sabre droit. Monsieur m'attend. Ses prunelles irisées brûlent d'une fièvre que je ne lui ai jamais vue. Son sourire ne le quitte pas, s'élargit même lorsqu'il me voit jeter un oeil au chronomètre.
Plus que 5 secondes.
4.
3.
2.
1.
Nous nous ruons l'un sur l'autre, et les trois lames se fracassent une fraction de seconde avant le "bip" d'ouverture.
- Salut, Wendy, lâche Jack entre ses deux sabres croisés. Belle matinée ?
Je ne réponds pas. Mon visage est aussi dur et lisse que le marbre blanc. Tout le contraire du sien, tordu par l'amusement, l'excitation et la raillerie. Mais pas par l'effort.
Je relâche brusquement mon katana et bondis en arrière. Le sable racle sous mes pieds tandis que je virevolte vers mon adversaire, tournoie ma lame et la glisse sur sa côte. Le vêtement se déchire et le sang coule en un battement de cil ; je réitère mon attaque 3 fois.
6 secondes plus tard, Jack se retrouve affublé de 4 larges plaies, 2 de chaque côté.
Que ce soit clair. Je suis la meilleure.
Jack pare mes dernières attaques, histoires de tenir la face, puis recule d'un saut nonchalant. Il passe une main dans ses mèches folles, dégageant son visage. Il ne semble pas le moins du monde affaibli - je dirais même que mes coup l'ont revigoré.
- C'est bon, tu as fini ? crache-t-il à travers son rictus moqueur. Quand verrai-je ma Wendy, Louve ?
Je me retiens de froncer les sourcils et de rétorquer. Ce soir, la Louve doit être resplendissante dans tout son personnage, je ne peux donc me permettre aucune erreur. Aucune réaction. Aucune émotivité. Aucune Wendy.
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Les Enfants de la Nuit
Science FictionNew Kingdoms, an 3324. L'Angleterre n'est plus que mécanique, fer et nuage. Les cités s'élèvent au fil des progrès technologiques et la terreur y règne en maître. Une journée d'anarchie, une nuit de cauchemars. Tant que le soleil brille, chacun est...