Bienvenue chez les Chapman, une famille en morceaux.

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Perchée sur mon fier destrier à la robe ébène, j'observais attentivement le couple qui effectuait le parcours de saut d'obstacles avant nous. Le cheval d'une blancheur écarlate survola majestueusement un oxer d'une largeur phénoménale et se réceptionna avec agilité, le couple prit un virage serré après l'obstacle mais n'étant pas dans l'axe pour le prochain saut, l'équidé refusa de sauter brutalement. Le cavalier s'accrocha comme il put à la selle et une fois repositionné, il leva sa main en l'air, signe qu'il déclarait forfait.

Une main sur ma cuisse me sortit de mes rêveries et j'entendis à travers les hauts parleurs qu'on m'incitait à entrer en piste. Je lançais un sourire amoureux à l'homme à mes côtés et entrai dans l'imposante carrière. Je m'arrêtais au milieu de la piste et lançai l'équidé sous moi au petit galop. Fulminant d'impatience, celui-ci mima sa joie par de petits sauts de cabris. Je souris d'une joie indescriptible, mes pupilles pétillaient de bonheur, je savais qu'on allait remporter cette épreuve, nous étions plus prêts que jamais.

Lançant mon destrier vers le premier obstacle, il prit sa battue d'appel parfaitement et vola par-dessus le vertical avec une facilité déconcertante pour un cheval de cette carrure là. On enchaîna ainsi la suite du parcours, alliant harmonie et agilité. Mais alors que j'effleurais la victoire du bout des doigts, une ligne de trois obstacles se profila devant nos yeux, connaissant mon cheval par cœur, je le ralentis afin de mieux aborder le triple.

Mais tout s'enchaîna trop vite pour moi.

On survola les deux premiers facilement et continuâmes notre course vers l'imposant mur, tout était parfait, nous allions gagner, c'était une certitude. Et pourtant à seulement une foulée de l'obstacle, mon fidèle destrier trébucha, allant trop vite pour s'arrêter, on continua notre galopade la tête la première dans le mur. Les briques auparavant de couleur noisette, se tintèrent d'un rouge sang alors que je gisais au milieu des débris de l'obstacle, mon cheval à la robe de jais à mes côtés. Je n'entendais plus que le bourdonnement sourd que produisait mes oreilles, je ne ressentais aucune douleur, seulement une sensation de chaleur sur mon crâne. Mon regard restait bloqué sur le cheval gisant à même le sol, une flaque de sang l'entourant, puis ma vue se brouilla et plusieurs images défilèrent devant mes yeux impuissants, comme le film de la fin d'une vie.

L'homme que j'aime remplaça bientôt l'animal au sol, il était blessé mais son visage ne montrait aucun signe de douleur.

Et tout se succéda à une vitesse fulgurante.

Du sang au sol, ma mère qui pleure, une tombe, une engueulade entre moi et un garçon, je ne comprenais plus rien à ce qu'il m'arrivait. Puis brusquement, je me retrouvais dans une voiture et je reconnu cette scène, je voulais m'enfuir, ne pas revivre cet horrible moment mais il était déjà trop tard. Une autre voiture se profila de l'autre côté de la route et le choc fut inévitable, ce fut brutal, sec et bref. Mais au moins il ne souffrait plus. Le visage de mon père en sang se présenta devant moi et je ne pu m'empêcher de crier sans cesser de m'arrêter.



<< Calm down honey, I'm here, I'm here... It's just a nightmare, just a nightmare.. >>

Mes pleurs se mêlèrent à la douce voix de ma génitrice alors que je me faisais bercer par ses bras protecteurs. Une fois calmée, ma mère recula et je plantai mon regard dans ses iris bleuâtres. C'était la cinquième fois en une semaine, la cinquième fois que je revivais ce cauchemar, mais cette fois-ci il avait changé, j'étais à cheval, alors que d'habitude je n'étais que spectatrice de cette chute. Cette fois-ci je l'avais vécu. J'étais morte.

<< Tu veux que je te prépare un thé honey ? me demanda gentiment ma mère de son accent américain >>

Je refusai timidement d'un signe de tête et alors que celle-ci sortait de ma chambre, je me recouchais épuisée sur mon lit. Le soleil m'aveuglait même à travers les épais rideaux de ma chambre et n'arrivant plus à me rendormir, je me redressais et m'assis les jambes croisées. J'attrapai mon cellulaire qui ne cessait de vibrer sur ma table de nuit et le déverrouillai. Avec stupeur, je remarquai que je m'étais faite harcelée de messages comportant tous le même sujet. Mon anniversaire. J'avais atteint la fameuse limite des dix-huit ans, l'âge adulte, l'âge où on grandit, où on mûrit, et surtout l'âge où on enchaîne les conneries. Et pour moi elles n'étaient pas prêtes de se terminer.

AudacieuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant