Les grandes portes battantes au bois massif se refermèrent derrière nous dans un bruit assourdissant et je frissonnais d'appréhension. La lumière du coucher de soleil se reflétait à travers les grandes fenêtres en haut du manège, créant un halo de lumière au centre de celui-ci. De la buée s'échappait lentement de mes lèvres tant le froid était saisissant, et avec le plus de calme que possible, je dirigeais la pur-sang au centre du manège. Arrêtées au seul espace éclairé, avec douceur je me préparais à monter sur la jument. Tout en chuchotant des mots doux à son égard, je descendais les étriers qui claquèrent en un infime tintement sur les quartiers de la selle. De mes mains précautionneusement gantées, je vérifiais le sanglage et d'un bond le plus agile possible je me retrouvais sur le dos d'Audacieuse. La jument semblait s'être métamorphosée et ne bronchait pas d'un poil contrairement à ce que je m'attendais.
Mais, je ne baissais pas la garde immédiatement et tout en remontant le col de mon épaisse veste fit partir la jument au pas. Il régnait dans la grande structure en bois une atmosphère étrange, mais terriblement apaisante. Tout était silencieux, le seul bruit brisant ce mutisme qui nous environnait était celui de mon souffle se mêlant à celui d'Audacieuse. Le personnel restant était sûrement en train de faire les derniers boxes ou de s'occuper des chevaux sortants du travail. J'étais la seule encore à cheval et je profitais de ce moment de solitude pour souffler et juste ne penser à rien. Et ce court instant de quiétude me fit un bien fou, j'oubliais mes parents, Sören, Clément, les cours... Tout s'évaporait, il n'y avait plus que moi et Audacieuse, dans ce manège, profitant de cette fin de journée pour s'évader dans notre monde, notre cocon où tous nos soucis s'envolent lentement telles des lanternes lancées dans le ciel au soleil couchant.
Mais cet unique temps de calme était trop beau pour durer, et brusquement, le crépitement des lumières et le claquement des portes battantes me ramenaient à la dure réalité. Et la voix grave et vicieuse du brunet me fit très vite, beaucoup trop vite, reprendre les pieds sur Terre :
<< Bon c'est pas que la Rouquine mais il serait peut-être temps de bosser me lança-t-il tout en mettant en place les obstacles >>
Je serrais les dents et me fit violence pour ne rien lui répliquer de cinglant suite à son ton condescendant. Je fis partir la jument au trot et avec douceur jouais des mes doigts pour décontracter peu à peu sa bouche devenue, suite à de trop mauvais cavaliers, dure comme fer. Brutalement, comme-ci elle reprenait connaissance, Audacieuse commença à chauffer sous moi et m'envoya quelques ruades réprobatrices tout en débutant un piaffer assez déséquilibré pour me déstabiliser. Je ne me laissais pas faire et la prenait dans son propre jeu, où au lieu de la ralentir et lui laisser plus de contrôle, je la fis partir au petit galop et enchainais différents déplacements latéraux pour sans cesse l'occuper et ne pas la laisser préparer une autre connerie. Une fois qu'elle me semblait parfaitement à l'écoute, je repassais au pas et tout en continuant de l'occuper avec divers figures, lançais à Clément :
<< On commence à sauter ? >>
Le brunet nonchalamment assis sur un tabouret dans un coin du manège sembla enfin me remarquer et me jeta un regard interloqué, les sourcils méchamment froncés.
<< Tu l'as assez échauffée ? Ça fait que quinze minutes que tu es à cheval et vaut mieux pas sauter à froid
- Si je te dis qu'elle est prête, ce ne sont pas des paroles en l'air, et puis tu sais bien qu'il ne faut jamais faire attendre les filles répliquais-je malicieusement >>
Je lançais la pur-sang au petit galop et aperçus un rictus amusé fendre les lèvres du brun.
<< Bien, puisque mademoiselle est si déterminée que ça, on va corser un peu la chose dans ce cas-là dit-il tout en déplaçant quelques obstacles un air vicieux scotché au visage >>
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Audacieuse
RandomRaphaëlle était ce que l'on pouvait qualifier d'une lycéenne banale. Popularité, petit copain, meilleure amie, tout ce qu'elle voulait elle l'obtenait en un simple claquement de doigts. Et pourtant, cette adolescente de dix-huit ans était un paroxys...