L'Elfe courait. Le bruit de ses pas résonna un instant entre les hauts murs du quartier général puis les échos s'évanouirent dans la nuit. Le bâtiment était plutôt lugubre quand le soleil cédait sa place aux scintillantes petites étoiles fidèles à ce disque pâle et terne. Le silence retomba dans le grand hall de la Garde avant d'être à nouveau perturbé par des foulées frénétiques. Plus rapides.
Un bruit de chute, comme quelque chose que l'on eut poussé à terre. Puis un juron et à nouveau, la course.
Le cœur d'Ezarel battait à tout rompre. S'il avait été en mesure de réfléchir de façon cohérente, il aurait pu fouiller dans sa mémoire pour se souvenir de quand, pour la dernière fois, il avait ressenti une si grande peur. Était-ce la fois où il avait dû annoncer à son paternel qu'il quittait le nid elfique pour écouter le monde de ses propres oreilles ? Ezarel avait eu sacrément peur, son père n'était pas un tendre. Non. Assurément, le vieil Elfe l'avait tout de même moins terrifié.
Était-ce la fois où ses amis s'étaient mis en tête de le couler, cette journée à la plage ? Même si cet instant avait été des plus saisissants, cela n'équivalait pas l'effroi qu'il ressentait à ce moment précis.
Rien ne pouvait le terrifier davantage que celui qui le poursuivait. Pour ce qu'il était d'une part, mais également pour ce qu'il représentait. Il était dangereux. Sa nature l'avait fait ainsi. Il était muni d'armes plutôt convaincantes et le scrupule ne l'étouffait pas quand il s'agissait de s'en servir.
Et puis, il savait comment atteindre l'Elfe. Il savait comment passer sa barrière impassible. Il l'avait déjà fait. Il l'avait brisé et n'avait qu'à se pencher pour s'emparer de ses restes.
C'est pourquoi Ezarel fuyait sans se retourner. Il fuyait pour sa vie. Il était hors de question de laisser le Vampire l'approcher lorsqu'il était dans cet état. Avant même de s'en rendre compte, l'alchimiste se retrouva dehors, dans la nuit cinglante de pluie et de brume. Des gouttelettes lui giflèrent le visage lorsqu'il s'élança vers les jardins. Il tremblait, son corps supportant mal la poussée d'adrénaline pourtant nécessaire à sa survie.
Il avait beau chercher de toute part, il n'y avait pas un chat pour lui venir en aide. La pluie étouffait ses appels à l'aide. Jamais Ezarel ne s'était abaissé à hurler pour son salut et quand enfin il s'y autorisait, la nature réduisait ses efforts à néant. Était-ce un signe ? Méritait-il ce qui lui arrivait ?
Ses jambes le portaient toujours plus vite, toujours plus frénétiquement pour échapper à Nevra. L'Elfe ne savait pas où se cacher. Il savait pertinemment que le Vampire aurait aussitôt fait de le trouver, où qu'il se fut réfugié. Il ne pouvait que courir, encore et encore, espérant que ses jambes le mèneraient en lieu sûr.
Alors qu'il trébuchait sur une taupinière, Ezarel réalisa où il se trouvait. Près des serres. Près de la petite porte dérobée qu'utilisaient les alchimistes de l'Absynthe pour accéder à l'extérieur d'Eel sans avoir à faire le grand tour par la porte principale. Déterminé à voir le jour se lever, l'Elfe se releva et se précipita vers le portillon d'acier verdi. Il en saisit la poignée d'une main, fit tourner la clef restée dans la serrure de l'autre et en franchit le seuil.
Il la referma violemment derrière lui, ne se souciant guère que le verrou ne se soit enclenché et prit à nouveau ses jambes à son cou.
L'orage faisait rage, la mer était déchaînée. La lune presque pleine et sa lueur blafarde éclairaient suffisamment la grande plaine pour permettre à Ezarel de voir où il mettait les pieds. Sa crainte de se faire dévorer l'engloutissait tout entier et lui donnait des ailes. D'un point de vue extérieur, on aurait pu croire que l'Elfe glissait sur le sol, tant sa vitesse dépassait ce qu'on connaissait de lui. Pourtant, elle était simplement à la hauteur de sa terreur.
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Respire-Moi [BxB]
RomanceCela faisait des années qu'Ezarel avait vaincu son haptophobie. Du moins, il le pensait. A la réfréner en tout cas. Il a fallu d'un contact. D'un malheureux contact à même la peau pour le faire replonger dans les affres de son passé, régressant sur...