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Quelques heures plus tard, Adja avait suffisamment dormi pour ne pas s'évanouir, mais son cœur battait à ses oreilles en permanence. Si Léon vient m'énerver, je le tue. Elle le retrouva dans le restaurant de l'hôtel après avoir cherché Sylvana en vain : elle avait bel et bien disparu aux alentours de six heures. Léon dégustait son petit-déjeuner en la regardant d'un air goguenard.

« Alors, mal dormi ?

— Tu as ramené Sylvana avec toi hier soir. » lui répondit-elle sans préambule.

Léon lâcha son croissant sur la nappe et écarquilla les yeux. Une tache de gras se forma sous la viennoiserie, hypnotisant presque Adja.

« Elle était... dans l'hôtel ?

— Elle était avec moi, arrête de flipper. Bon, tu te dépêches ? On retourne enquêter, je n'ai pas que ça à faire de t'attendre. »

Adja tourna les talons et ne lui adressa pas un regard supplémentaire. Dire que Sylvana avait fait une crise de jalousie pour un goujat pareil ! Elle attendit Léon dans sa voiture et mit la radio au volume maximal. Il tenta plusieurs fois de lui parler sur le trajet, mais elle l'ignora souverainement. Quand ils se retrouvèrent à nouveau face à la Maison Dormeaux, elle finit par entendre la question pressante de Léon.

« Qu'est-ce que Sylvana t'a dit, hier ? Vous avez fait du ouija ?

— Je croyais que c'était faux, tout ça, pas vrai ? Spirit box, ajouta-t-elle sans chercher à lui mentir. On a discuté pendant des heures. Elle te déteste vraiment, tu devrais faire attention à toi. »

Adja afficha un petit sourire satisfait en voyant le visage de Léon se décomposer. C'est ça, flippe bien ! Elle se précipita dans la maison et annonça sa visite.

« Sylvana, je suis là ! J'ai encore dû ramener Léon, malheureusement, mais rassure-toi... je ne lui parlerai pas trop. J'espère que tu ne m'en veux pas pour hier soir. Je trouvais ça étrange, de sentir tout ce froid mais pas de contact. »

Pas assez de contact, surtout, faillit-elle ajouter. Sylvana pouvait lire ses pensées, mais Léon ne méritait pas de savoir qu'elle avait quasiment partagé une certaine intimité avec la jeune femme. Il l'écoutait, éberlué, debout dans le hall.

« On dirait que tu parles à une amie. Tu la tutoies ! » lui reprocha-t-il.

Adja lui décocha un regard noir et sortit son K-II. Sylvana était bien là mais faisait clignoter les diodes sans interruption, comme si elle était en colère ou très agitée.

« Tu veux la spirit box ? » devina-t-elle.

"Oui", réagit le K-II.

Adja sortit l'appareil et s'attendit au moins à une salutation quelconque, mais au bout d'une poignée de secondes Sylvana vociférait dans toute la pièce.

« TCHTCHTCHTCHTCH LÉON, SOIS MAUDIT !!! TCHTCHTCH...

— C'est à moi qu'elle parle ? s'exclama Léon, visiblement plus vexé par l'animosité de la jeune femme que choqué d'entendre sa voix. Ce truc fonctionne ?

— TCHTCHTCHTCHTCH PARS !! TCHTCHTCH C'EST L'ENQUÊTE DE... TCHTCHTCHTCH...

— On ne capte rien ! se moqua-t-il, hors de lui, les jambes flageolantes de peur, en criant dans la spirit box comme s'il s'agissait de l'oreille d'une personne très âgée. Je n'entends pas ! »

Sylvana poussa alors un cri suraigu qui força Léon à se boucher les oreilles.

« Merde, elle est folle ! s'écria-t-il, les larmes aux yeux. Je vais finir sourd !

« Dors. »Où les histoires vivent. Découvrez maintenant