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« Adja. »

Sylvana s'agenouilla aux côtés de ce qui restait d'Adja et resta silencieuse durant une bonne heure. Je n'arrive plus à bouger. Je crois que je la distingue... mais je ne peux pas lui parler. Adja se sentait faible et perdue, mais manifestement pas assez inconsciente pour réapparaître à l'endroit où elle avait trouvé la mort.

« Je vais te ramener, je ne vais pas t'attendre. » déclara soudain Sylvana en soulevant Adja du sol, au prix d'un immense effort.

Non... ne fais pas ça pour moi... Tu vas te fatiguer ! Adja parvint à bouger un œil en direction de ses bras et vit qu'ils avaient disparu. Elle perdit presque connaissance sur le chemin du retour, dans un vide absolu, sans inventer le bruit des feuilles craquant sous leurs pas ni la sensation du vent dans ses cheveux. Sa tête pendait lamentablement de droite à gauche, sans douleur, sans tension dans ses cervicales. Je déteste cette vie. Ce n'est pas une vie.

« Cela ne t'arrivera plus jamais, Adja, murmura Sylvana comme si elle l'avait entendue. Tu n'auras plus besoin de t'épuiser ni de fuir aussi loin. »

Elle ne parla plus avant quelques longues minutes.

« Tu es allée plutôt loin, pour une première promenade... Mais pas du bon côté, par contre. Je suis enterrée à l'autre bout du domaine familial.

— D... F...

— Ne parle pas, ne parle pas..., lui ordonna Sylvana. Tu seras bientôt sur ton lit. Mon lit deviendra le tien, d'accord ? »

Où sont mes parents et ma grand-mère ? Où est Léon ? Où est la police ? Adja était désespérée d'avoir volontairement saboté son esprit pour ne plus les voir. Sylvana avait-elle l'intention de lui donner les informations qu'elle désirait ?

« Ta mère a crié. » fit Sylvana, les dents serrées.

Une émotion atroce envahit Adja, d'autant plus intense et insupportable qu'elle ne s'exprima sous aucune forme. Elle aurait préféré hurler ou pleurer pendant des heures.

« Elle a dit que tout était de sa faute et qu'elle aurait dû t'empêcher d'avoir cette passion... Léon a été très efficace, il a réconforté toute ta famille en leur expliquant que c'était ton destin. Je crois que ça les a touchés... »

Adja pouvait très bien imaginer ses parents accepter que la ligne de sa vie s'arrêtait ici et maintenant. Mais comment leur parler ? Comment leur faire comprendre que je suis toujours là ?

« La police a confirmé ta mort accidentelle. Naturelle. »

La voix de Sylvana s'était brisée sur le dernier mot, mais Adja n'avait toujours pas la force de nier qu'il s'agissait d'un meurtre. Un homicide involontaire, comme on dit. Penser à ses parents en deuil était la dernière étape, la dernière marche de l'escalier menant à la pleine acceptation de sa nouvelle existence. Après ça, il n'y aura plus jamais rien de pire.

Terrassée par la tristesse, rongée par les regrets, Adja se laissa porter jusque dans la maison. Sylvana la souleva avec difficulté jusqu'à l'étage et la posa sur le lit, où elle ne resta pas longtemps.

« Tu ne tomberas pas très bas, fais-moi confiance... »

Seul le nez d'Adja dépassait du lit. Elle voyait vaguement autour d'elle les draps qu'elle avait traversés et se demanda combien de temps sa catatonie allait durer. Elle entendit Sylvana s'asseoir à ses côtés.

« Ils ont emmené ton corps, et Léon a tenté de me faire passer un message. Je crois qu'il reviendra bientôt avec ta famille pour entrer en contact avec nous. »

« Dors. »Où les histoires vivent. Découvrez maintenant