chap 33

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Samedi,

Je me réveille. J'attrape mon téléphone, pas de réponses de Davy au message que je lui ai envoyé hier. Et si d'un coup il ne savait plus où il en était. Et s'il refaisait le même scénario lorsqu'il m'a quitté. Qu'il ne me donne plus de réponses de nouvelles.

Jessy vient d'arriver chez moi. Elle est vraiment belle. La grossesse lui va bien. Nous nous mettons en terrasse avec une tasse de café pour moi et elle un thé. Il fait beau aujourd'hui, l'air s'est radouci. Nous profitons du soleil.

- Alors as-tu eu des nouvelles de Davy? Me demande-t-elle derrière ses lunettes de soleil.

- Euh... oui... Je rougis en essayant de ne pas la regarder.

- Ah! tu vois que tu te fais des films pour rien. Vous avez fait quoi jeudi quand on vous a laissé ? Elle se tourne vers moi en baissant ses lunettes pour mieux me regarder.

Je pince les lèvres et baisse la tête.

-Sarah ? Me demande-t-elle avec insistance.

Je lève mes lunettes et les pose sur ma tête. Je me tourne vers elle et lui lance un sourire. Elle ouvre grand ses yeux en attendant une réponse.

- Nous avons promené dans Avignon. Ensuite, il m'a ramené chez moi. Je m'arrête en la regardant. Bien évidemment en la regardant je sais qu'elle veut plus d'informations, elle m'interroge du regard.

- Il a dormi ici et il s'est passé ce qu'il devait se passer. Je ne vais pas te faire un dessin, je pense que tu sais de quoi, je parle. Je lui réponds en souriant timidement comme si j'avais fait une bêtise.

- J'en étais sûr. Micka n'a pas eu de ses nouvelles depuis jeudi. Donc, on s'est douté que vous deviez être ensemble depuis. Et donc vous avez eu une discussion ? Vous vous remettez ensemble ..?? Me demande-t-elle en buvant son thé.

- Non, disons que ... Eh bien... tu vois, c'est plus nos corps et nos bouches qui ont vraiment eu une discussion. Je deviens toute rouge et remets mes lunettes sur le nez. Elle éclate de rire en applaudissant. Elle pose sa tasse sur la table de jardin et se retourne vers moi. Elle enlève ses lunettes.

Après avoir commandé et mangé des pizzas, Jessy vient de partir. Il est bientôt 23 h 00 et je n'ai toujours pas eu de nouvelles de Davy. Je ne lui en ai pas envoyé depuis hier soir non plus. La journée avec Jessy m'a fait du bien, mais c'est comme si dès que je me retrouve seule, mes démons refont surface et mon cerveau est en ébullition avec toutes les questions que je me pose. Je ne sais plus trop quoi faire. Je pense reprendre rendez-vous avec la psychologue qui m'avait suivi après ma rupture avec Davy. Elle m'avait beaucoup aidé à aller de l'avant et reprendre confiance en moi. Vincent m'a aussi beaucoup aidé. Je n'ai plus de nouvelles de lui. Il a bien tourné la page à ce que je vois. J'éteins la télévision et me dirige dans mon lit. J'enlève ma prothèse. Finalement, je m'habitue à avoir cette nouvelle jambe. Je n'y fais plus vraiment attention. Les cours de rééducation se passent bien. J'ai fait beaucoup de progrès. Niveau mental ça va aussi mis à part mes questions sur Davy. Je ferme les yeux. Le téléphone me fait sursauter quand il vibre sur la table de chevet. Je l'attrape et lis le message d'un numéro inconnu dans mon répertoire mais je comprends très vite qui est l'expéditeur.

" Ne pense pas que tu as tout. Il reviendra vers moi. Il ne s'en ira pas comme ça. Une partie de lui est en moi maintenant. Et puis qui voudrait de toi madame unijambiste."

Je tremble, mon souffle se coince dans ma gorge. Mon cœur bat de plus en plus dans ma poitrine. Je relis le SMS que Camille vient de m'envoyer. Comment a-t-elle eu mon numéro? Mes yeux ne cessent de relire la phrase qui suggère qu'elle est enceinte. Non, comment est-ce, possible Davy m'a dit qu'il n'en voulait pas qu'il n'avait pas passé ce cap. NON! Mes larmes ne cessent de couler, mes yeux sont inondés, je crie seule dans mon lit en serrant fort le coussin sur lequel il avait dormi. Je respire son odeur qui s'est imprégnée sur le tissu. Je crie dans cette chambre, dans cet appartement. Je cri de désespoir mais aussi de haine. Pourquoi ne m'a-t-il rien dit ... Je comprends soudainement son silence à mon message d'hier soir. Je pleure encore et encore en grattant l2016.icatrices sur mon avant-bras. Le sommeil et le chagrin me gagnent et je finis par m'endormir.

Dimanche,

La nuit a été assez mouvementée avec les crises d'insomnie et les cauchemars. Je me lève et relie encore le message que cette garce m'a envoyé avant que je m'endorme. Je suis écœuré, écœuré de tout ce qui m'arrive en si peu de temps. L'accident, ma prothèse, Vincent qui me trompe, notre rupture, Davy qui refait surface, notre rapprochement et elle qui m'envoie un SMS. J'aimerais vraiment savoir comment elle a pu avoir mon numéro de téléphone. Puis là le choc. Elle est enceinte ! J'ai honte de moi, d'avoir cru à tous ses films que je m'étais fait, j'ai honte de Davy et de moi-même d'avoir fait ça alors qu'elle est enceinte. Peut-être qu'il le savait, mais ne le voulait pas et c'est pour cela qu'il l'a quitté. Ma tête va exploser tellement, mon cerveau chauffe en se posant toutes ces questions. Je regarde ma prothèse, je me baisse et la positionne.

Je me lève et me dirige vers la salle de bains. Je me regarde mon visage est bouffie par les pleurs de la veille, mes yeux sont cernés. Je suis vraiment dans un état horrible. J'ai le cœur serré. La gorge encore nouée. Mes doigts grattent encore les cicatrises. Je les regarde, elles ont rougi à force que mes ongles passent dessus en s'enfonçant un peu plus à chaque fois. Cette pensée de les revoir ensemble me déprime et me donne la nausée. Je n'ai pas pu lui donner l'enfant qu'il voulait, elle oui. Mes larmes coulent à nouveau sur mon visage. Je prends mon téléphone sans vraiment savoir ce que je fais, mes démons ont repris les manettes. Je sens en moi quelque chose de la haine...de la tristesse... de la rancoeur, je ne sais trop quoi. J'écris un SMS rapidement à Jessy et lui envoie directement.

" Je ne vais pas arriver à tenir un jour de plus sans avoir de ces nouvelles. Je pense que je vais rechuter. Mes démons sont présents en moi. Je ne sais plus quoi faire ..."

Je pose le téléphone sur le rebord du lavabo. J'ouvre le robinet en laissant un fin filet d'eau couler. Je passe mes doigts à travers. Je me mouille le visage. Je reprends les anciennes habitudes. Celles qui faisaient de moi une personne vulnérable. Hantés par ces démons et sous contrôle d'un mal-être. Je défais mes cheveux et les mets sur le côté de mon épaule. Je mouille ma main et me caresse le cou. Je n'ai jamais touché à cet endroit auparavant. Ça doit faire mal. Je sens mes démons prendre possession de moi. Je secoue la tête en enlevant ma main de mon cou. Mais ils s'acharnent de plus belle, je me remémore son SMS, les larmes coulent. Je me déshabille et m'assois dans la douche, une larme de rasoir de Vincent à la main. Je pose la lame sur le sol. Je déboîte ma prothèse et la jette en hurlant dessus. Elle tape le mur et retombe par terre.

Je regarde mon moignon, je le touche, je me rappelle avant ma jambe, mes jambes. Je ne me sens plus capable d'accepter les regards, c'est juste un masque que je mets chaque jour que dieu fait. Chaque fois que je mets un pied parterre. Je sais qu'il me faut une personne près de moi pour arriver à surmonter tout cela. Mon visage se vide de tout son sang et la bile me monte dans la gorge. Mon téléphone ne fait que sonner, mais je n'ai pas la force ni l'envie de répondre. Je veux être seule. Seule face à la réalité des choses, la réalité de la vie. Seules avec mes démons.


DestinéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant