Je restai assis là, tout seul, pensant à tous ceux à qui je tenais, à ma vie d'avant. Je repensai à la vanité de mes soirées éthyliques. Cette manière que j'avais de tout prendre pour acquis : la vie, la santé, les biens matériels, les gens qui m'entourent... Pratiquement tout ce que j'entreprenais me réussissait et tout ce que je désirais, je l'obtenais sans trop de souci. Je n'avais jamais imaginé avoir un accident de voiture, surtout pendant que je conduisais moi-même. C'est le genre de choses qu'on croit que ça n'arrive qu'aux autres, jusqu'à ce que ça te tombe dessus un samedi après-midi. Me voir aussi amoché dans un lit d'hôpital m'a fait réaliser à quel point la vie humaine est fragile, à quel point un petit laisser-aller peut être fatal, à quel point la vie peut être courte si on la gère mal...
Sur le moment je l'ai nié mais Alpha avait raison à propos d'une chose : je ne suis pas altruiste. Ma mère tient beaucoup à moi, je suis ce qu'elle a de plus précieux au monde et pourtant quand je suis dans mes délires je ne pense pas à ce qu'elle pourrait ressentir s'il m'arrivait quelque chose. Je ne pense pas au chagrin que ça pourrait leur causer à elle et à mon beau-père. Tout ce qui m'intéressait, c'était ma petite personne. Ma mère n'a jamais vraiment apprécié Solim, mais je la lui ai imposée. A présent je comprenais pourquoi. Les mères ont cet instinct qui leur permet de savoir quand leur progéniture est en danger. Elle m'en avait parlé mais, influencé par Solim, je lui ai crié dessus. Elle s'est tue et n'a plus jamais rien dit à ce propos bien qu'elle en avait envie. Bien qu'elle voulait toujours me préserver du danger, j'en étais inconsciemment attiré comme par un aimant.
Je repensai très fort à ma mère et, comme la première fois, je me retrouvai dans la chambre d'hôpital près du lit où j'étais allongé. Ma mère, à genou à côté du lit, priait ma main libre dans les siennes. Je regardai la montre accroché au mur, il était 22h19. Mes bandages semblaient avoir été changé, ils étaient moins ensanglantés que la dernière fois que je suis venu. Dans un élan d'affection, je m'agenouillai à côté d'elle et la serrai contre moi. Ses épaules se détendirent comme si elle sentait ma présence et qu'elle était soulagée.
- Je suis désolé maman, lui murmurai-je. Pour toutes les fois où je t'ai criée dessus au lieu de t'écouter et de faire ce que tu disais. J'avais l'impression de tout savoir et que toi tu ne savais rien, que tu ne me comprenais pas. Aujourd'hui je me rends compte de la peine que mon comportement a pu te faire pendant toutes ces années. Je suis désolé pour toutes les fois où je t'ai faite paniquer inutilement. Pour toutes les fois où je t'ai manquée de respect. Je n'ai pas été le fils exemplaire que tu mérites d’avoir mais je te promets que tout cela changera si j'ai la chance de survivre. Si j'ai de nouveau la chance de te parler...
Ma voix se brisa et une larme roula sur ma joue.
- Tu en auras la chance, me dit Alpha qui venait de me rejoindre. Tu as encore toute la vie devant toi si vraiment tu le souhaites.
Ses apparitions ne me faisaient plus sursauter. Je me tournai vers lui.
- Qu'est-ce que vous en savez ? lui demandai-je.
- Beaucoup, répondit-il simplement.
- Je vais redevenir comme avant ? Sans que l'accident ne me laisse de séquelles ?
- Il y a des choses beaucoup plus importantes que l'apparence physique Alex. Et contrairement à ce que tu penses tu n'as rien eu de grave, juste un choc important à la tête et à la poitrine. As-tu pris le temps de penser à ce que je t'ai dit tout à l'heure ?
- J'ai besoin d'être seul, répondis-je.Il repartit sans un mot.
Je me concentrai sur Solim et je me retrouvai devant elle. Elle était dans son lit, un livre à la main. Elle ne lisait pas, elle avait le regard dans le vide. Je m'assis près d'elle quand quelqu'un frappa à la porte. Elle se leva pour ouvrir et je la suivis pour voir qui c'était, au cas où la personne ne rentrerait pas dans la chambre. C'était Amalsa, sa sœur.- Ça va ? lui demanda-t-elle en entrant dans la chambre.
- Pas vraiment, répondit-elle en retournant s'asseoir sur le lit.
Sa sœur vint s'asseoir près d'elle.
- Dis-moi tout !
- C'est Alex, je me sens un peu responsable de ce qui lui est arrivé. J'aurais pu le sauver, nous sauver tous les deux mais je ne l'ai pas fait. Je n'ai prononcé le sortilège que pour moi seule. Et maintenant il y a cette culpabilité qui me ronge depuis trois jours. Cet accident est entièrement de ma faute parce que c'est moi qui ai eu l'initiative de lui faire une fellation pendant qu'il était au volant. Maintenant il est dans le coma et je me sens coupable non seulement pour tout ce que je lui ai fait mais aussi pour ne pas l'avoir sauvé alors que je pouvais. Et s'il y restait ?
Elle éclata en sanglots et sa sœur la prit dans ses bras.
- Mais qu'est-ce qui t'arrive Solim ? s'enquit Amalsa. Ressaisie-toi !
- Mais je l'aime ! Ça ne m'est jamais arrivé mais je suis amoureuse de ce mec. Maintenant qu'il est dans le coma je m'en rends compte.
- Que comptes-tu faire ?
- Je veux libérer son esprit. Je me dis que c'est peut-être ce qui l'empêche d'émerger du coma.
- Maman te tuera si tu fais ça ! Il est temps que tu grandisses et que tu laisses de côté tes enfantillages et tes histoires de sentiments. Personne n'a jamais fait ça dans notre famille. Dans le journal familial, à aucun moment il n'a été question de libérer un esprit emprisonné. Si tu veux attirer la colère des anciens sur toi, fais-le.
Solim blêmit quand elle entendit le mot "ancien". Je comprenais peu à peu dans quoi je m'étais mis. Parmi toutes les filles du monde, il a fallu que je sois attiré par celle issue d'une longue lignée de sorcière. Tout comme moi, elle était spéciale, mais dans le mauvais sens.
Amalsa regarda l'heure sur son téléphone.
- Il est presque l'heure pour le congrès. Tu te sens prête ?
- Oui, répondit simplement Solim.
- Tant mieux ! Mais surtout ne mentionne pas cette histoire de libérer Alex. N'y pense même pas pendant le congrès sinon ils sauront et s'en prendront à lui. Et toi tu seras bannie du cercle à vie. Tu ne peux pas te le permettre crois-moi.
- D'accord compris.
- Maintenant suis-moi !
Elle suivit sa sœur hors de la chambre. Je les suivis de près. Elles rejoignirent leur mère dans sa chambre.
- Dépêchez-vous il est presque l'heure ! lança-t-elle.
Toutes les deux la rejoignirent dans le lit. Elles se couchèrent de part et d'autre d'elle. Elle leur toucha le haut du crâne et elles s'endormirent toutes les trois. J'attendis quelques minutes, histoire d'être sûr qu'elles soient arrivées à destination. Je m'approchai ensuite et tendis la main vers le crâne de la mère.
- Ne fais pas ça ! ordonna la voix d'Alpha derrière moi.
Je m'arrêtai à mi-chemin et me tournai vers lui.
- Je vous ai dit de me laisser seul.
- Ça ne m'empêchera pas de te surveiller. Crois-moi, cette partie d'Autopsia a beau être neutre, si tu vas au congrès des sorciers tu n'en reviendras jamais. Tu n'es pas prêt pour ça. C'est le meilleur moyen de te faire tuer. Mais si c'est ce dont tu as envie alors vas-y !
Je me résignai. La dernière des choses dont j'avais besoin c'était de me faire tuer par la famille de Solim.
Alpha nous fit revenir dans la salle blanche.
- J'ai encore quelques personnes à te révéler avant de passer aux vraies choses, me dit-il. Ce sont des gens sur qui tu pourras compter quand tu auras besoin d'aide dans ta mission.
Je me retrouvai devant une jeune femme d'à peu près mon âge. Très belle avec des courbes gracieuses. Mais au delà de son apparence physique, il y avait autre chose en elle qui m'attirait irrésistiblement, comme si je la connaissais depuis toujours.
- Qui est-ce ? Et pourquoi j'ai l'impression de la connaître ? demandai-je à Alpha sans détacher mon regard de la fille.
- C'est Soreah, répondit-il. C'est ta femme. Du moins dans tes vies antérieures, d'où cette sensation de familiarité.
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Autopsia, le monde du dessus
Mistério / SuspenseSuite à un grave accident de la circulation, Alex se réveille dans un étrange endroit en compagnie d'un homme aussi étrange que l'endroit. Où c'est cette chambre étrange dans laquelle il a atterri ? Comment va-t-il en sortir ?