Partie 8

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- Mon grand-père ? lui demandai-je. Comment ça se fait ?

- Ton guide ne peut pas être choisi par hasard Alexandre. Il doit être de ta famille et j'ai eu l'honneur d'avoir été choisi.

- L'honneur ? Arrêtez, vous allez me faire prendre la grosse tête. Du coup je vous appelle Alpha ou grand père ?

- Ce n'est pas ça le plus important. Le plus important c'est que tu saches qui je suis. Si un jour tu as besoin d'aide, tu pourras m'appeler ou m'invoquer. Je serai là.

     Je le regardai longtemps sans répondre, le détaillant du regard. J'avais hérité de tout chez lui, sa grande taille, sa forme svelte, ses larges épaules, son visage osseux et souriant, tout. On aurait cru que j'étais son fils plutôt que son petit-fils.

- J'accepte, lançai-je de but en blanc. J'accepte d'accomplir la mission qui me sera confiée.

- Je sais, répondit-il. Tu n'as pas le choix de toute façon.

- Je peux choisir de mourir, je n'ai pas accepté parce que je ne veux pas mourir. J'ai accepté parce que je veux aider mon prochain, je veux vivre pour les autres. Maintenant dites-moi à quoi je vais être initié et en quoi va consister ma mission.

    Il sourit.

- Tu as enfin compris, dit-il. Tu es prêt maintenant. Tu vas être initié à la magie mystique et à quelques autres formes de magie. Et pour ta mission tu le sauras quand tu atteindras le cercle des anciens. Je t'attendrai là-bas.

    Je fronçai les sourcils.

- Qu'est-ce que ça veut dire ? demandai-je. Comment trouverai-je le chemin tout seul jusqu'au cercle ?

- Le chemin se trouve dans ton cœur Alex et n'oublie pas ces choses : le mal est plus attrayant que le bien. Ne choisis pas la facilité, ne choisis pas la première voie qui s'offre à toi. Le chemin sera long mais si tu suis tout ce que je t'ai dit, tu y arriveras.

     C'est tout lui ça, pensai-je. Il ne pouvait pas juste me dire de prendre à gauche puis de marcher tout droit jusqu'à ce que je trouve un grand temple sur lequel il y a écrit "initiation mystique".

- Rien de ce que vous venez de dire n'a de sens, répondis-je. Vous ne pouvez pas juste m'y emmener ? Ou me déposer au moins à l'entrée ? Vous êtes mon grand-père quand même et au nom de la famille...

- Tu vois c'est ce que je viens de te dire, dit-il avant de disparaître.

   Je me retrouvai à nouveau seul et pour longtemps selon ce qu'il m'a dit. Puisqu'il fallait que je trouve ce fameux cercle des anciens tout seul, autant s'y mettre sur le champ, me dis-je.

   Je m'assis en tailleur sur le lit et me concentrai l'image de ma mère. Si quelqu'un ou quelque chose pouvait représenter mon cœur, c'est bien elle. Je me laissai aller complètement, me perdant doucement dans la douce chaleur de son sourire.

- Alex ! cria-t-elle soudain.

    J'ouvris les yeux et regardai autour de moi. J'étais à nouveau dans la cour de la maison de mon père biologique.

- Alex, sauve-moi ! me cria ma mère alors que mon soulard de père la rouait de coups.

    Je restai figé sur place. Si elle pouvait me voir c'est que je pouvais agir, je pouvais y faire quelque chose. Depuis le temps que je rêvais de mettre une raclée à ce gars. Je m'approchai d'une démarche déterminée, laissant la colère monter petit à petit en moi. Quand je fus à sa hauteur, je l'empoignai par le col de sa chemise et l'envoyai sur le sol. J'aidai ma mère à se relever et la fis s'asseoir sur le perron de la chambre avant de retourner vers mon père, resté sur le sol. Je le saisis de nouveau par le col et le relevai. Je m'apprêtais à lui envoyer mon poing en plein visage quand un truc que j'avais vu dans les films concernant les voyages dans le temps me revint à l'esprit : quand on change ne serait-ce qu'une petite chose dans le passé, ça a un effet papillon. Je me figeai immédiatement dans mon élan. Les propos que m'avait tenu Alpha quelques instants plus tôt me revinrent à l'esprit.

      « Ne choisis pas la première voie qui s'offre à toi.  »

    Sur le moment, rouer mon père biologique de coups semblait être la meilleure solution. Mais c'était la solution la plus facile. Et puis d'où me venait cette colère soudaine ? Alpha m'avait dit qu'on ne pouvait être autre chose que son élément fondamental alors cette colère était fausse. De même que cette situation.

    Je lâchai son col.

- Tu as fait beaucoup de mal à ma mère, et moi à travers elle. Tu l'as chassé de chez toi et par la même occasion, tu m'as renié. Mais je ne t'en veux pas du tout parce que grâce à ça, elle a connu le bonheur et moi j'ai connu la plus heureuse des enfances. Je t'en suis reconnaissant. Je te suis aussi reconnaissant parce que sans toi, je ne serai pas là aujourd'hui. Je te pardonne tout ce que tu as pu faire contre moi ou ma mère jusque-là.

    Je le laissai là et me dirigeai vers ma mère.

- Viens maman, allons-nous en d'ici, lui dis-je en lui tendant la main.

    Elle la saisit et se leva. Nous passâmes devant mon père.

- Malaïka si tu sors de cette maison ne t'avise plus jamais de revenir, beugla mon père alors qu'on venait de le dépasser.

- Ça ne risque pas, répondit ma mère.

    Une fois hors de la maison ma mère me lâcha la main.

- C'était très héroïque ton acte, mais je ne peux pas aller plus loin avec toi.

- Comment ça ? m'enquis-je. Tu ne comptes pas retourner auprès de ce taré, si ?

- Non ne t'inquiète pas pour ça, mais cette quête est la tienne, tu dois donc l'accomplir tout seul.

- Je reviendrai te chercher, lui promis-je.

- Tu me trouveras à la maison. En attendant prends ce chemin.

    Elle me désigna un petit portail rouge en face de la maison devant lequel nous nous tenions.

    J'avançai d'un pas hésitant vers le portail qui s'ouvrit tout seul dans un grincement sinistre. Une bourrasque glaciale m'accueillit comme si j'avais rendez-vous avec la mort au-delà de cette porte. Je m'y engouffrai malgré la sueur froide dans mon dos. Une fois au-delà de la porte, je fus aspiré dans une sorte de spirale noire, et quelques secondes après, j'étais au volant de la Toyota Camry de mon beau-père. Solim avait ma verge dans sa bouche et le camion se rapprochait à une vitesse hallucinante.

- Un seul mot et tu pourras t'en tirer Alex, chuchota une voix dans ma tête. Un seul petit mot et tu seras sauvé, tu n'auras pas à être dans le coma, ni à écouter cet homme te saouler avec des choses auxquelles tu ne comprends rien. Tu pourras continuer ta vie normalement, leur mission ils l'accompliront eux-mêmes ces vieux débiles. Tu n'auras pas à sauver le monde entier, faudra juste te sauver toi-même. Juste un mot et toute cette histoire d'Autopsia n'existera même plus...

    J'ignorais d'où venait cette voix. Elle changea soudain, puisque je ne réagissais pas. Cette fois c'était la voix de ma mère.

- Sauve-toi mon chéri ! Dis juste un truc et tu pourras rentrer à la maison sain et sauf, nous t'attendons tous.

   Bien que je voyais la mort s'approcher à grande vitesse, je gardai la tête froide. J'étais déjà passé par là. J'avais déjà vécu cette scène et je me suis retrouvé dans le coma, d'ailleurs j'y suis toujours. Et puis que vaut ma vie contre celle de milliers d'autres personnes que je pourrais sauver en me sacrifiant ?

   Je pris donc ma résolution et fermai les yeux, attendant le choc qui me propulserait à nouveau dans l'au-delà.

Autopsia, le monde du dessusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant