Partie 21

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    Nous nous retournâmes tous les trois comme une seule personne.  Il s'était redressé et fixait ma mère.

- Malaïka c'est vraiment toi ? demanda-t-il.

- Oui c'est bien moi, répondit ma mère.

- Te voici enfin après toutes ces années, dit-il.

    Ma mère ne répondit pas. Elle se contenta de croiser les bras.

- Tu m'as tellement manqué, continua mon père sans faire attention à la mine renfrognée de son ex-femme. Où étais-tu passée ?

    Elle laissa enfin exploser cette colère qu'elle gardait pour elle depuis toutes années.

- Où voulais-tu que je sois ? répliqua-t-elle sèchement. Tu m'as jeté à la rue alors que j'étais enceinte de toi, juste parce que j'ai discuté avec un de tes amis. Dieu seul sait ce que j'ai vu et enduré pour m'en sortir. Lui Seul sait ce par quoi je suis passé pour être debout devant toi aujourd'hui. Alors je t'interdis de faire comme si de rien n'était, comme si ces vingt-trois dernières années n'ont jamais existé, comme si je n'étais sortie que pour acheter du piment au marché, comme si j'étais toujours ta femme...

    Sa voix se brisa et elle fondit en larmes.

- Dis-lui tout ce que tu as sur le cœur maman, lui murmurai-je à l'oreille en la serrant dans mes bras.

    Elle s'essuya le visage et se racla la gorge avant de reprendre.

- Le temps a fait son œuvre. Il a su cicatrisé toutes les blessures que tu as laissées en moi et sur moi. Aujourd'hui me revoici devant toi avec le fils que tu as renié. Qu'est-ce que ça te fait de savoir que c'est l'enfant que tu as rejeté et jeté à la rue qui est venu te sauver ?

    Il baissa la tête, pris de honte. Il resta ainsi pendant de longues minutes sans répondre.

    Personne ne prononça un seul mot jusqu'à ce qu'il parle enfin. Il se mit d'abord à genou.

- Pour tout ce que j'ai pu te causer comme tort, je te demande pardon Malaïka. Même si mes mots ne pourront pas effacer ce que j'ai fait, je n'ai qu'eux pour essayer de réparer les choses. Dans le fond, je savais bien que tu n'avais rien fait pour mériter ce genre de traitements mais c'était plus fort que moi. C'était comme si je n'avais plus aucun contrôle sur mon corps. Je t'ai fait vivre un enfer, je le sais bien. Même si aujourd'hui il est trop tard pour réparer les choses, je te demande de me pardonner, pour toutes les fois où je t'ai battue au lieu de te serrer dans mes bras, pour toutes les fois où je t'ai insultée au lieu de t'écouter, pour toutes les fois où je t'ai humiliée au lieu de te soutenir, pour toutes les fois où j'ai été ton geôlier au lieu d'être ton mari...

    Sa voix se brisa à son tour et il baissa à nouveau la tête. Il prit quelques secondes de pause. Quand il releva la tête, son visage était baigné de larmes.

- Je regrette vraiment tout ce qui s'est passé. J'espère qu'un jour, tu trouveras la force de me pardonner...

- Je t'ai déjà pardonné Michel, répondit ma mère. Il fallait que je le fasse pour pouvoir avancer. Ça n'a pas été facile mais quand j'ai vu tout ce qui m'attendait, j'ai remercié mon Dieu pour ce que tu as fait parce que sans ça, je n'en serai pas là aujourd'hui. Alors lève-toi s'il te plaît.

     Il se leva sans se faire prier et se tourna vers moi.

- Quant à toi mon fils, dit-il. Je ne suis même pas digne de t'appeler ainsi. Et si je me mettais à genoux pour te demander pardon ce serait te maudire parce qu'un père ne doit jamais s'agenouiller devant son fils. Même si je n'ai pas été là depuis le début, j'espère que tu sauras me faire une place dans ta vie et dans ton cœur. Je n'ai pas grand-chose à t'offrir à part mon amour inconditionnel de père. J'ai été aveugle et stupide par le passé, mais aujourd'hui, si tu acceptes de me donner une chance, je ferai de mon mieux pour ne pas te décevoir. Aujourd'hui en me guérissant de cette maladie, tu m'as donné une nouvelle chance : celle d'être un homme nouveau, de faire de nouveaux et meilleurs choix. Je serai digne de cette chance.

Autopsia, le monde du dessusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant