Partie 1

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Je clignai des yeux puis quelques secondes après, mes yeux s'habituèrent à la lumière blanche qui inondait la chambre. Je me regardai. Je portais un pantalon et un tee-shirt blanc. Je regardai ensuite autour de moi. Je me trouvais dans une chambre immaculée, qui, à part moi et le lit sur lequel je me trouvais, était vide. Je me levai du lit et m'approchai de la fenêtre. J'essayai de regarder dehors mais tout ce que je vis c'était du blanc. Comme si je regardais une feuille blanche lumineuse. Je me retournai et constatai que le lit sur lequel je dormais une minute plus tôt, n'en était pas un. C'était juste un matelas recouvert de draps blancs qui flottait en l'air. Aucun cadre ne le supportait. Je m'approchai et passai la main sous le matelas pour m'assurer qu'il ne reposait sur aucun support invisible. Il flottait effectivement.

- Tu en as mis du temps, lança une voix d'homme derrière moi.
Je sursautai et me retournai vivement. Un homme, la cinquantaine bien entamée, crâne rasé, vêtu d'une sorte de robe blanche, se tenait près de la fausse fenêtre.

- Bienvenu à Autopsia, Alexandre ! lança-t-il avec un sourire chaleureux.
Je l'ignorai tout d'abord, continuant à chercher une porte dérobée.

- Autopsia ? répondis-je enfin en me tournant vers lui. Qu'est-ce que c'est ? Et comment êtes-vous entré ? Parce que je ne vois pas de porte ici.

- Tu es à Autopsia comme je viens de le dire à l'instant et justement il n'y a pas de porte ici parce qu'on en a pas besoin.

- Ici ? Qu'est-ce que c'est exactement Autopsia ? Je me suis endormi dans mon lit d'hôpital au CHU alors qu'est-ce que je fais ici.

- Ah ! lança-t-il.

- Où est ma mère ? Elle était assise à côté de moi quand je me suis endormi.

- Alexandre, tu as... Comment te dire ça sans te choquer... Tu as perdu la vie. C'est pour ça que tu es ici...
Je levai les yeux vers lui, essayant de détecter la moindre trace d'humour sur son visage mais il garda un air sérieux.

- Vous voulez me dire que je n'ai pas survécu à mon accident ?

Il hocha la tête. Je m'assis sur le lit, choqué. En même temps, il fallait être dément pour espérer survivre à un tel accident.

J'étais au volant de la Toyota Camry de mon père. Solim, ma petite amie, était assise à côté de moi, sa main dans mon pantalon. Je perdis le contrôle quand elle décida de me faire une pipe pendant que je conduisais. Une main sur le volant l'autre sur sa tête, je pressai sur l'accélérateur sous l'effet de l'excitation. Je ne m'en rendis compte que quand je vis que les feux-arrières du camion devant moi se rapprochaient trop rapidement. Le temps que je ne retrouve la pédale de frein...
Je me réveillai quelques temps après dans une chambre d'hôpital au CHU, je vis le visage triste de ma mère avant de sombrer à nouveau dans les ténèbres.

- Donc je suis au paradis ? demandai-je au monsieur.

Il éclata de rire.

- Vous les humains et votre obsession pour le paradis.

- Où suis-je alors si ce n'est pas le paradis ?

- A Autopsia comme je te le dis pour la troisième fois. Je te donnerai de plus amples explications quand tu seras prêt.

Le vrai Alexandre aurait déjà insulté ce mec et aurait déjà claqué la porte, parce qu'il me faisait tourner en bourrique mais je n'éprouvais pas de colère et le plus drôle, la pièce n'avait pas de porte. Tout ce j'éprouvais, c'était de la curiosité.

- Prêt pour quoi ?

- Prêt à accepter ta mort, répondit-il. Je te laisse digérer la nouvelle, je reviendrai plus tard. Pour tes questions, j'y répondrai quand tu seras disposé à accepter la réalité.

- Comment ferai-je pour vous appeler ? Cette pièce est absolument vide et il n'y a même pas de porte.

- Il y a des millions de possibilité qui s'offre à toi ici. Tu as mille et un moyens de m'appeler mais avant que ça ne marche, il faut que tu acceptes le fait que tu sois mort.

Je le regardai, perplexe. Mille et une questions se bousculaient dans ma tête. Et ma mère ? Et le reste de ma famille ? Que devenaient-ils sans moi ?

- Suis-moi si tu peux.

Le temps que je relève la tête, il avait déjà disparu.

Mort ? Moi Alex ? Et les virées nocturnes avec mes potes ? Et toutes les jolies filles de ma fac que je n'ai pas encore choppé ? Et mes projets d'avenir ? Non ça ne peut pas être possible. Ce devrait être l'un de ces rêves bizarres que faisaient les gens quand ils étaient dans le coma.
Je me recouchai dans l'espoir qu'en me réveillant, tout redeviendrait normal, que je me réveillerais dans mon lit au CHU et que ma mère serait à mes chevets. Combien de temps je gardai les yeux fermés ? Je l'ignore. En fait non : ça faisait exactement une heure et dix-sept minutes. J'ignorais comment je savais ça, je le savais c'est tout. Je me levai du lit et me mis à faire les cent pas dans la pièce.
Je revins me rasseoir au pied du lit. Je fermai les yeux et pensai très fort à ma mère, à ce qu'elle pouvait ressentir s'il s'avérait que je sois vraiment mort comme le prétendait cet homme. Puis en rouvrant les yeux, je me retrouvai à nouveau dans ma chambre d'hôpital au CHU. Mais au lieu d'être allongé sur le lit, j'étais debout à côté. Enroulé dans une orgie de pansements, de sparadraps et de plâtre tous imbibés de ce qui semblait être du sang, mon corps était allongé sur le lit. Mais à en croire les bips réguliers qu'émettaient les machines auxquelles j'étais branché, j'étais toujours en vie.

Cette scène m'aurait effrayé si j'avais été conscient mais tout ce que j'éprouvais c'était un profond regret. Je regrettais d'en être là parce que j'avais vécu dangereusement, de causer cette peine à ma mère qui était toujours assise à mes chevets, de laisser tomber tous ces gens.

- Félicitations ! lança à nouveau la voix du monsieur.

Je sursautai à nouveau. Il se tenait tout juste à côté de moi.

- Vous m'avez menti ! Je suis toujours en vie !

- Tu trouves ? Être couvert de tous ces pansements et sparadraps, avoir toutes ces aiguilles dans le corps et être branché à ces machines, tu appelles ça une vie ? Que se passerait-il s'il y avait un délestage ? Ou s'il n'y avait plus de sang disponible à la banque de sang. Ou pire si une de ces machines cinquantenaires tombait en panne ?

- C'est bon vous avez gagné ! m'exclamai-je.

Ses mots m'avaient fait de la peine. Une larme roula ma joue. La larme naquit également du coin de mon œil, sur le lit. Ma mère saisit le bord de son pagne et l'essuya.

- Je suis là mon chéri, murmura ma mère au moi allongé sur le lit. Tout ira bien tu verras. Tu sortiras d'ici par la grâce de Dieu.

Je posai une main sur l'épaule de ma mère mais je ne prononçai mot, ne sachant trop quoi lui dire et surtout si elle m'entendrait.

- Je vais finir par me réveiller n'est-ce pas ? demandai-je au monsieur.

Autopsia, le monde du dessusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant