Chapitre 32: Suspendu

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Tic. Toc

Assis sur un banc en métal, le dos appuyé contre le mur blanc, je fixais la double porte avec une impatience non-dissimulée. Mes yeux jetaient fréquemment des coups d'œil à l'horloge.

- Encore combien de temps ? demandai-je à l'égard de la jeune femme à côté de moi.

Elle leva les yeux de son livre et me lorgna dans regard las.

- Je ne sais pas Samuel, répliqua-t-elle pour la quinzième fois depuis que nous étions arrivés.

- Ça fait longtemps qu'on attend.

- A qui le dis-tu... marmona-t-elle.

Elle se replongea dans son bouquin sans m'accorder plus d'attention.

Je soupirai et baissai les yeux sur mes chaussures. Mon père m'avait pourtant dit que la nounou me tiendrait compagnie durant la longue attente, mais elle semblait s'être vite désintéressée de moi.

Tic. Toc.

Mes doigts trituraient l'ours abimés qui me servait de peluche. Je lui avait arraché un bras et un œil dans un excès de colère le mois dernier. Ma mère avait refusé de le réparer, répétant que ça me servirait de leçon.

Pauvre Nono, condamné à rester borgne et manchot.

Je relevai brusquement la tête lorsqu'une idée me traversa l'esprit. Peut-être que quelqu'un ici pourrait le guérir ? Il y avait des docteurs partout ?

Tic. Toc.

Je m'apprêtais à me lever quand la double porte s'ouvrit, laissant apparaître mon père. Un sourire illumina mon visage.

- Tu viens mon grand ? Ta petite sœur est née, annonça-t-il.

Sans attendre une seconde de plus, je me précipitai vers lui et me faufilai dans l'embrasure.

Ma mère était allongée dans un lit. Elle tenait un tout petit bébé dans ses bras.

Tic. Toc.

- Elle s'appelle Clara, me glissa mon père en se penchant vers moi.

Je laissai tomber Nono par terre pour pouvoir m'agripper à la rambarde du lit.

Elle semblait si fragile, si innocente. J'avais envie de la prendre dans mes bras, de la protéger. De lui dire que je serais toujours avec elle.

A cette époque, je n'imaginais pas que j'allais un jour l'abandonner aussi lâchement.

Mes paupières se soulevèrent difficilement, comme si elles avaient été fermées pendant un long moment. J'avais la bouche pâteuse et mes muscles semblaient tous engourdis.

Je tournai lentement ma tête sur le côté. Ma vue s'ajusta peu à peu, chassant le voile sombre qui l'obscurcissait.

La perfusion était toujours enfoncée dans mon bras droit, mais le liquide ne semblait plus circuler dans le tube en plastique.

Il me fallut un instant pour reprendre ne serait-ce qu'une partie de mes esprits.

A l'aide de mon bras libre, je défis les sangles et me dépêchai d'arracher l'aguille plantée dans ma peau. Mes membres fourmillaient, ils avaient été immobiles trop longtemps. Combien de temps ? Je n'en avais pas la moindre idée. Je ne savais même pas ce que je faisais.

Je m'assis au bord de la table en fer et me pris la tête entre les mains.

J'étais dépassé. J'étais totalement dépassé par les évènements. Je ne comprenais plus rien et cette sensation me rendait fou.

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