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Une porte qui claque, mon cœur qui bat. Mes pieds, mes jambes qui m'éloignent des cris, qui, très vite, me poursuivent.

-Ose te casser et j'te bute !

-Laisse-moi ! Si tu m'approches à nouveau, je te promets que je hurle.

En fait, je hurle déjà.

-J'suis plus ta pute.

Un vase, une bouteille, une assiette, tout ça a le temps de voler dans ma direction pour se briser misérablement au sol avant que je ne file à toute allure. Je me sens étrange, j'ai beau avoir le mal dans la tête, je sens quelque chose s'ouvrir en moi. Après des mois de semi-captivité, je redécouvre quelque chose de léger qui ressemble à la liberté.

Et mon cœur balance, fort, comme agité par des vagues en plein ouragan.

Parce que la limite entre la peur et l'euphorie est mince chez moi. Parce que mes sentiments ont été, il y a longtemps, écrasés les uns contre les autres et que maintenant je mélange tout.

La haine n'est pas le contraire de l'amour. C'est quelque chose d'important que je dois préciser, car, au fil de mon récit, ça deviendra une évidence. Le contraire de l'amour, c'est l'ignorance. L'ignorance, c'est ce que je suis.

Il pleut des cordes, j'aime ça. Ça me donne presque envie de penser que nous sommes en automne, mais je pense que nous sommes toujours au mois d'août. Début septembre peut-être ? Je n'en sais rien, je suis trop libre, j'ai été trop captif pour savoir.

Je suis heureux et pourtant je sens que je sanglote, je suffoque à moitié tant ma course m'épuise mais je maintiens l'allure, pour redécouvrir ce qu'il y a à quelques rues de l'endroit où je vivais jusqu'à il y a seulement quelques minutes. J'ai un sac de sport à bout de bras, il est presque vide ; évidemment, ma vie s'est vidée au fur et à mesure qu'elle me prenait ce que j'avais. Mes affaires étaient siennes, puis n'étaient plus. Mes amis étaient siens, puis n'étaient plus. Ma famille par contre, n'avait jamais été sienne, mais elle n'était tout de même plus la mienne. J'étais vide, de pensées cohérentes comme de droits. La honte ne me prend même pas à la gorge, et je ne vais pas porter plainte pour violence conjugale, même si je porte les preuves sur ma peau pour l'éternité.

Je veux juste rentrer chez moi et faire un énorme câlin à mes parents, les prévenir que l'ombre de leur fils vient de rentrer à la maison pour qu'ils finissent de le faire grandir. Je regrette de ne plus avoir ce chez moi que je cherche, et je regrette si fort que mon rire perce à travers mes larmes. Si fort que mon rire perce le silence de cette rue pourtant pas si vide.

Mes pas ralentissent dès que j'entends une musique s'échapper d'un bâtiment. Un bar ? Je rentre sans me poser des questions, j'aime la musique qui passe, je ne l'entends pas bien depuis l'extérieur.

Je suis trempé et j'ai une gueule de déterré, les quelques personnes présentes se tournent pour me jauger de la tête aux pieds, je ne sais même plus si je pleure, en tout cas je crie à moitié un "bonjour" avant de me rendre compte que ça cloche. Je cloche. Mais je ne sais pas, je ne sais plus, j'ai oublié ce que j'étais et comment j'étais supposé être. Ma tête est vide et mes sentiments s'entremêlent.

Je m'approche du comptoir et m'assoit en posant mon sac sur le tabouret à côté de moi. Il y a un garçon, un homme, à ma gauche. C'est le seul qui ne me prête pas la moindre attention, son verre de whisky l'intéresse bien trop. Je suis peut-être devenu idiot sous les coups et les injures de ma femme, mais je sais parfaitement reconnaître l'alcool.

-J'peux avoir de l'eau ?

Le gars qui m'observe a les cheveux courts et un air peu amical. Il me regarde à nouveau avec dédain, je ne comprends même pas pourquoi.

Traces d'encreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant