"Juste des mots, bizarrement alignés. Juste des lettres étrangement ordonnées. Juste des phrases dans un ordre étrange, logique, coordonné. Juste un texte, lu avec multiple, voire unique sensation? On y attend une chute, une morale. Pour que ça trouve un sens, une explication capable de mieux apaiser l'esprit que le vide d'intérêt. Mais ce n'est pourtant qu'une petite partie de chaos qui ne peut connaître de juste fil conducteur. Une infime idée sans intérêt, qui divague, tantôt flottant, tantôt dansant, contemplant la beauté d'un monde et de plusieurs univers qui n'existent même pas."
Je baisse les yeux sur les draps propres du lit, les serrant entre les doigts de ma main gauche. Ma main droite emprisonne avec une douleur crispée les quelques bouts de papier que je ne sais me résoudre à relâcher. J'essaye de le lire sans m'arrêter, mais mon souffle se perd, et je sais que je ne rend pas honneur au mot en les prononçant à voix haute. Je renifle légerement, ferme les yeux un instant. Une légère brise m'effleure, et en rouvrant les yeux, je me rappelle que la journée n'a pas filé si vite, et que pourtant, l'après-midi touche à sa fin.
Quelques inconnus sont arrivés à la maison, après que j'ai donné mon accord à Jordan pour qu'ils entrent. De toute façon, ils n'allaient pas me voir ni m'entendre, et moi, je ne voulais pas les voir non plus.
J'avais passé un moment de calme dérangeant, isolé dans la chambre, à ramasser toutes les feuilles qui gisaient encore tragiquement au sol comme des déchets. J'entendais les voix comme des échos, et mon attention se dirigeaient très souvent vers la fenêtre, mais j'avais fini le rangement en une heure.
Ou deux, qui sait.
Je pose la petite page qui a été arrachée d'un carnet par un Damien de treize ans qui ne voulait pas perdre cette page pour des raisons que lui seul pourrait connaître. J'en prend une autre, qui provient sans doutes du même carnets, mais l'écriture a changé. Damien a alors bientôt seize ans et écrit déjà comme personne. Comme beaucoup de ses textes, il a écrit celui-ci pour lui même, posant des questions qui, je le sais, n'ont jamais eu droit à des réponses.
"Le temps passe bizarrement, ces jours-ci. Ces 119 jours sans accélération notable dans mon train de vie. Je m'ennuie. Je m'ennuie assez pour sauter d'un pont. Rien de suicidaire là dedans, j'ai carrément peur de la faucheuse depuis tout gamin... Mais peut-être que ça au moins, ça écraserait mon quotidien de merde. Je sais pas pourquoi je prends le temps de l'écrire. Peut-être justement parce que j'ai le temps de le faire ? Mon père me dit que j'ai du talent. C'est mon père, c'est surtout pour ça. En fait, je suis tellement nul à ça que si je m'emmerdais moins, ça me ferait rien d'arrêter. Le truc, c'est que je m'emmerderais sûrement jusqu'à ma mort, alors j'ai un peu peur d'arrêter ça aussi. Je me trompe peut-être, mais est-ça une passion ? J'ai le sentiment que le mot est trop fort. C'est un beau mot, et personne n'y pense. Moi, ce mot, il m'inspire la couleur et les sentiments qui explosent. Je ne suis pas sûr de ressentir ça quand j'écrit. J'ai pensé demander à un de mes compagnons de classe que j'aime appeler ami si ce que j'ai comme rapport avec l'écriture était une forme de passion, mais je me souviens encore trop clairement des autres qui rient de mes pensées trop douces. Elles le sont sûrement. Je suis peut-être un peu trop délicat, pour un garçon. Il y a des jours où ça me fait mal. Il y a des jours où je m'en fous, comme je me fous de tout. En fait, je suis suspendu au regard des gens, mais ça fait un moment qu'on ne m'a plus blessé directement. Tout le monde me juge, dans ma tête. En réalité, personne ne regarde. J'ai beau le savoir, je ne sais toujours pas affronter le regard de qui que ce soit. Est-ce que ça passera un jour ? Est-ce que je serai toujours incapable de vivre en société dans dix ans ? Peut-être pas, sûrement pas, mais si je ne m'accroche plus à l'espoir, je suis vide. "
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Traces d'encre
Romansa«Je pense qu'une histoire n'est jamais trop courte, Parce qu'entre la fin de la guerre et le début de l'amour, Entre la mort et la vie, Entre les mots et les lettres, Il y a l'infini.» Cette histoire est une fanfiction de type Terraink, bisous aux h...