Mes pas résonnent un peu bizarrement, c'est tout ce que j'arrive à percevoir alors que je marche dans un couloir de l'hôpital où le silence n'est pas supposé avoir élu domicile.
J'avance, les bras croisé sur mon torse. Dans quelques pas, je ferai demi tour, pour retracer une ligne droite vers l'autre bout du couloir, où je tournerai les talons à nouveau, comme je le fais depuis un moment.
Ma vie avance vite, n'allant jamais jusqu'à ce que j'en perde le fil, mais presque. Je sais, en y réfléchissant, que j'ai du mal à suivre. Mais aussi, en y pensant bien, je sais que je n'abandonnerai pas. Que je n'abandonnerai jamais.
Parce que je n'ai jamais tout abandonné complètement.
Parce que même si je tombe à genoux, une part de moi restera intacte.
Je sais que ma détermination a des failles, mais je sais aussi que rien au monde ne la détruira entièrement.
Enfin, j'en reviens à ma vie. Ou, plus généralement, à la vie.
Ce soir, comme chaque soir, le soleil se couchera. Demain matin, comme chaque matin, le soleil se lèvera. Et comme chaque jour, le monde continuera d'avancer, la Terre continuera de tourner.
Je me suis déjà comparé à la rue, et à Damien qui se trouve être mon avenue. Il ne l'a pas toujours été, mais il y a toujours eu une avenue pour troubler mon calme. Je n'ai jamais été seul, même si, à un certain moment, ça aurait clairement mieux valu. Bien sûr, il y a des avenues moins vivables que d'autres, et je n'ai pas réellement besoin de comparer Damien et Alice pour le prouver.
Si la rue est une partie du monde, le soleil s'y lèvera comme il s'y couchera. Il s'y est levé autant de fois qu'il s'y est couché, peu importe ce que je peux penser. Mais, ouais, peut-être que certaines nuits ont l'air bien plus longues, et peut-être que certaines le sont réellement.
Mon cœur bat à l'heure qu'il est parce que j'espère encore que le soleil se lève. Enfin, non. Parce que je sais qu'il se lèvera à un moment donné. C'est ce qu'il fait toujours. Le soleil ne peut pas disparaître, de toute manière.
Je pensais sincèrement que Damien était le soleil pour moi. J'ai imaginé un peu facilement qu'il puisse être mon sauveur. Mais la vérité, et je le sais bien aujourd'hui, c'est que personne ne peut être le soleil de quelqu'un. Et que personne ne peut sauver l'esprit de quelqu'un d'autre.
Ce serait bien plus facile, je sais. J'ai bien assez espéré que ma solution soit si simple pour le savoir. Mais si l'existence était faite pour être facile, la nuit resterait-elle vraiment nuit ?
Je m'arrête, pour entendre ce bruit inaudible que j'ai dissimulé inconsciemment ces derniers mois. Je m'arrête, parce que mon cœur crie. Il crie depuis longtemps. Si j'avais réellement cessé de courir, je l'aurai su bien plus tôt. Si j'avais cessé de courir, l'aube aurait pointé le bout de son nez, et j'aurai pu vivre la journée réellement.
Le truc, c'est qu'il n'y a que soit même pour se sauver.
Je ne parle que de moi, mais je suis bien conscient que je ne suis pas le seul. Je suis bien conscient que, des gens qui ne s'écoutent pas et qui ne voient plus le jour, il y en a beaucoup. Damien est le seul exemple que je connaisse personnellement, à vrai dire.
Damien, mon bleu paumé qui n'a jamais ouvert les yeux, même si ma venue lui a procuré une pointe de bonheur. Il ne l'a jamais fait.
Je souris, c'est plus fort que moi. Et je pleure en même temps, ça aussi c'est plus fort que moi. Je ne sais pas dire si je suis heureux. La nuit n'est pas encore assez derrière moi, et peut-être qu'il restera toujours un peu d'ombre, même en plein jour. Pour peu que je l'accepte, ça devrait aller, non ?
Je me répète, mais je ne sais pas trop. Et l'incertitude ne me lâchera pas, même lorsque je serai sûr d'avoir des réponses. C'est comme ça que j'ai toujours vécu, si mon souvenir d'avant est bon.
Je pleure et je souris. Pour une fois que ça va ensemble, et je sens que tout va bien. Tout, ou presque va bien.
Dehors, la lumière se tarit un peu. La nuit va bientôt tomber, mais elle ne tombera pas sur moi. Ni sur Damien d'ailleurs.
Une main se pose sur mon épaule alors que je regarde la fenêtre. Je jette un coup d'œil derrière moi, et je souris un peu plus.
Il me demande si ça va, et je me hâte de le serrer dans mes bras, sans la moindre raison. Il ne comprend pas, j'imagine, et ce n'est pas grave. Je sais qu'un jour, je mettrai tout ce que j'ai pu penser sur papier. Il mérite de lire, plus que d'entendre.
Un jour, il comprendra.
Et une nuit, il s'en souviendra, et l'obscurité sera un peu moins froide.
C'est ce en quoi je crois aujourd'hui. C'est peut-être le seul impact que j'aurai ici bas, et c'est largement suffisant.
Je ne peux pas demander plus, quand j'ai déjà tant.
Une feuille, de la même couleur que la lueur du couché de soleil qui l'éclaire tombe, virevolte doucement, et s'éloigne au rythme du vent.
"Damien, je te jure que j'ai espoir."
Je serre un peu plus le bleu, un rire mêlé d'un sanglot m'échappe.
"Je ne sais pas si j'ai quelque chose à raconter, et je ne pense pas que ça intéresserait qui que ce soit de le savoir, peut-être que même Jordan en serait indifférent."
Je lui murmure que je vais bien.
"Mais bon, normalement, ce que j'ai à dire t'intéresse un peu, non ? Si je dois écrire pour quelqu'un d'autre que moi, c'est bien pour toi."
Des bruits de pas m'indique que nous ne sommes plus seul. Jordan, qui sera toujours mon premier ami, s'invite, et nous ne lui disons rien, il a obtenu il y a un moment son droit d'être là, avec nous.
"Si je suis encore là, c'est grâce à moi même. Mais si j'ai gardé une certaine volonté, c'est en partie grâce à toi."
Je ne suis pas sûr de ma façon d'analyser mes relations, mais je ne pense pas me tromper en disant que ces deux là sont les deux personnes qui ont le plus d'importance dans mon cœur.
"Je ne peux pas oublier Alice, parce que je l'ai aimée un jour. Mais elle disparaîtra, d'une certaine façon. Et tu sais Damien, j'espère que tu l'effaceras un peu.
Tu sais, Damien, du fond de mon cœur, je t'aime."
Mon sourire ne s'effacera pas ce soir.
L'automne arrive demain.
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Oui oui, ce n'est pas une blague.
"Thomas, aucune histoire n'est trop courte. Entre une début et une fin, il pourrait y avoir l'infini, et c'est peut-être le plus frustrant. Rapporter toute une histoire en quelques phrases, réduire des milliers de pensées en quelques pages, c'est peut-être la chose la plus dure à faire. Pourtant, ça en vaut la peine, parce que toute histoire, mérite d'être racontée."

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Traces d'encre
Romansa«Je pense qu'une histoire n'est jamais trop courte, Parce qu'entre la fin de la guerre et le début de l'amour, Entre la mort et la vie, Entre les mots et les lettres, Il y a l'infini.» Cette histoire est une fanfiction de type Terraink, bisous aux h...