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Assis en tailleur sur le canapé de Damien, je suis complètement mort de rire. Le bleu tire une tête râleuse.

-Mauvais perdant !

Sur ces mots, je lui lance un coussin en pleine figure et rit deux fois plus quand je vois sa réaction. Il est pour le moins surpris.

-Tu peux rire toi, c'est la seule partie de quelque chose que t'as gagné en deux heures !

Je ne sais même pas lui répondre, alors je me laisse aller en arrière dans le fauteuil en posant une main sur mes côtes. Bientôt, j'entends son rire rejoindre le miens, et ça finit en fou rire général dans le canapé.

Deux heures plus tôt, nous étions rentrés, les bras chargés de renouveau. Pratiquement au sens propre comme au figuré. J'avais un sac rempli de vêtements à ma taille, je ne pensais même pas que ça existait. Et puis j'avais un sac à bandoulière que Dam avait acheté, malgré mes protestations. Il avait sans doute remarqué que je n'arrêtais pas de le regarder. Et puis il m'avait emmené chez le coiffeur, et je n'avais même pas eu le droit de parole. D'après lui, il était évident que j'avais grand besoin d'une coupe, et de toute façon il avait largement les moyens.

Lorsque nous étions sur le trajet du retour, il m'avait regardé un moment et m'avait dit : "Bah au final t'es vraiment pas moche du tout comme garçon !". Ça nous avait fait rire tous les deux, mais moi je me sentais plutôt gêné par cette remarque. C'était un compliment, et les compliments étaient durs à entendre, à accepter. Pas uniquement pour moi.

Bref, nous avions joué un très long moment à Street Fighter avant que le bleu ne se rende compte que je ne semble pas avoir la moindre chance contre lui. Alors nous avons changé pour jouer à Mario Kart. Et là, c'est moi qui mène.

Damien a pris une bière, qui est toujours posée sur la table, à peine entamée. Ce qui n'est pas le cas des trois canettes de Coca que j'ai déjà vidées. Il ne s'en rend pas compte je crois, mais j'essaye de le distraire.

Je n'ai pas envie qu'une situation telle que hier se reproduise, je suis certain de préférer ce garçon quand il est sobre. Quand il est saoul, il est un peu con, il ne réfléchit pas. Je sais que ça m'a permis d'avoir un toit, mais tout de même. Dami est quelqu'un de très intelligent, mais il semble vouloir s'acharner à gâcher ça.

De plus, même si je ne l'ai jamais vu se bourrer la gueule à la maison, j'ai peur de comment il devient si c'est le cas. Il est peut-être différent de quand il est dehors... ?

Je soupire, mon rire s'est calmé, et comme il est tourné, je me permets de le regarder.

Je me demande si son physique m'importe. Je n'arrive pas à décider de s'il est beau ou non. Je n'arrive pas à me dire que, si je me pose la question, c'est que mon intérêt pour lui grandit vraiment. Je n'ai même pas de centre d'intérêt, serait-il idiot de penser que mon centre est peut-être un grand soûlard aux yeux bleus ?

Il sourit sans me regarder, et je me dis qu'il doit se rendre compte que je le regarde, que je le détaille en pensant à notre relation étrange.

C'est peut-être pour ça que j'en oublie ma fâcheuse manie que j'ai de baisser les yeux dès qu'il me regarde.

Seule la lumière de l'écran me proclamant gagnant nous éclaire, et je considère ça comme suffisant.

Il ne cesse pas de sourire, moi non plus. J'en oublie la tristesse que j'ai vue chez lui au premier jour, j'en oublie la colère qu'il m'a fait entendre lors de nombreux appels téléphoniques, j'en oublie sa vie, j'en oublie celle que j'ai et celle que j'aurai. La seule chose qui reste c'est de la joie.

Une joie intense et perfectionnée par l'affection dans son regard, qui me met très rapidement les larmes aux yeux.

Merde.

Je vais pleurer, je le sais.

Il voit mes premières larmes couler, puis je déplie mes jambes pour me rapprocher de lui.

Et voilà, comme si c'était normal, il m'entoure à son tour de ses bras et me sert à peine moins fort que je le sers.

Un peu comme si ce n'était pas la première fois qu'on se touchait de la sorte,

Un peu comme si je n'avais jamais eu à fonctionner sans lui, je sanglote silencieusement contre son épaule.

Foutu inconnu bleu. Allez savoir pourquoi il me rend si heureux...

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Un peu plus court que d'habitude , mais je ne voulais pas en rajouter encore plus, et puis j'en étais satisfait de cette façon !

«C'est vraiment con, très niais et j'entends d'avance ton rire moqueur, mais je suis de ceux qui pensent qu'une étreinte sincère a le pouvoir de guérir les cœurs et les esprits.»

Traces d'encreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant