chapitre 9: gants blancs

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Quand je descendis dans les pièces de visite, guidée par Mariette, je vis le comte qui m'attendait discutant avec ma mère d'un grave, celle-ci hochant la tête. Il portait à nouveau un justaucorps bleu et des gants blancs. Je fis une rapide révérence pour saluer les deux individus puis le comte m'adressa la parole.

-Vous êtes sublime. dit-il en me baisant la main.

-Je vous remercie comte.

-Appelez moi Paul Eléonore. Je peux vous appeler Eléonore?

-oui bien sûr Mons... Paul.

-Bonjour ma fille.

-Bonjour mère. Avez-vous bien dormi?

-Oui ma fille. Nous avons à causer tous trois. Henri, apportez un pliant pour monsieur le comte.

-De suite madame.

Je m'étais mise à trembler. Je me voilais la face, mais je savais au fond de quoi nous avions à causer. Même si là où je vivais avant, on ne se mariait pas à 15 ans et avec un inconnu, il fallait que j'accepte. Je vivais ici à présent et savais qu'il faudrait tout de même que je me marie un jour. Alors je préférais être mariée à un jeune homme charmant beau et intelligent qu'avec un vieil homme laid et répugnant. J'avais pris ma décision. J'accepterais ce mariage et quand j'aurais trouvé la solution, je rentrerais chez moi. Quand le valet apporta le pliant, le comte s'installa et nous nous mîmes dans des fauteuils.

-Mon enfant. Nous en avions déjà parlé, vous êtes en âge de vous marier et une bonne union serait bénéfique pour vous. Je connaissais déjà Juliette de l'époque où nous vivions à la cour, mais nous avons préféré revenir ici. Donc, j'ai cherché quelqu'un qui aurait pu vous convenir et qui ne serait pas trop âgé. J'ai immédiatement pensé au comte. J'ai donc programmé une rencontre entre vous afin que vous puissiez vous apprécier. Mais il y a deux prétendantes: vous et votre amie Hortense. Le comte choisirait. Comte je vous en prie.

-Eléonore, j'ai passé une excellente après-diner avec vous et vous m'avez confié que vous aussi. Je n'ai pas eu d'affinités particulières avec votre amie Mlle de Fablimes. J'ai donc choisi. Je pense que vous l'avez compris, beaucoup de détails, parmi les gants vus l'auront fait comprendre. Vous êtes une personne intelligente. Votre mère a accepté. L'acceptez-vous?

La voix me manqua. Même si je m'y étais préparée, je ne sais pas si c'était l'effet du corset ou quoi, mais je ne réussit à sortir aucun son. Juste un petit hochement de tête puis partit en courant vers les jardins pour y chercher un peu d'air; Les larmes me montèrent aux yeux. Je m'assis sur un banc, enfin arrivée à l'orée du bois. Faisant fi de la longue préparation, je délaçais ce corset et de grosses larmes roulèrent sur mes joues.

 Je suis restée là seule quelques minutes, ou quelques heures, je ne sais plus, le temps devenait aussi flou que ma vision troublée par les larmes. Puis j'entendis la voix du comte. Je n'eus qu'une seule envie, c'était de partir en courant dans le bois et de ne plus jamais revenir, mais j'étais polie, alors  je me retournais. Malgré toute la conviction que j'avais, je ne pus m'empêcher de pleurer de peur, de honte, de désespoir.

-Eléonore? Puis-je m'asseoir?

Je hochais la tête . Il s'assit à côté de moi et me tendit un mouchoir blanc immaculé. J'essuyai mes larmes puis me calmais. Le comte s'était assis, mais ne disait rien, il regardait les oiseaux gazouiller joyeusement en un ballet aérien. Je me mis à les regarder moi aussi . Nous restâmes assis là sans rien dire, seulement à contempler ces oiseaux pendant de longues minutes. Cela nous suffisait. Il savait qu'il n'y avait rien à dire, et moi aussi, alors il ne disait rien. Ce fut moi qui rompit le silence:

-Ne m'en voulez pas, ce n'est pas contre vous, Je vous apprécie, mais , je suis si jeune, je ne pensais pas me marier si jeune.

Il ne répondit pas, comme s'il ne m'avait pas entendue, puis quelques secondes plus tard, il dit:

-Je ne vous en veux  pas, et vous n'avez pas besoin de vous justifier, depuis le début, je savais que c'était vous que je voulais. Mes parents m'ont dit que j'étais en âge de marier et qu'il allait falloir que je commence à y penser, alors j'ai tout de suite pensé à vous. Je vous avais vue un dimanche à la messe et vous avait trouvé magnifique. Chaque dimanche en suivant, je vous voyais mais n'osais vous parler, quand mes parents m'ont dit qu'il fallait que je me marie, je ne connaissait aucune jeune fille, alors j'ai pensé à vous. Je comprend ce que vous ressentez. Je ne vous obligerai jamais à rien. Je ne suis pas de ces rustres qui osent violer leurs épouses qui pourraient être leurs filles. Et si vous ne voulez pas vous marier avec moi, je ne vous épouserais pas.

Puis, comme s'il n'avait rien dit, il retourna la tête et se remit à contempler les oiseaux. 

-Vous êtes quelqu'un de bien. Je vais vous épouser, mais laissez moi le temps. Pardonnez mon comportement, mais je ne puis arrêter de pleurer...

Il me prit par l'épaule pour me consoler et me serra dans ses bras. Je me laissais faire et posais ma tête sur son épaule.

-Que diriez-vous d'aller marcher quelque peu?

-Humhum. avec plaisir.

Il me dégagea gentiment de son épaule , se leva et m'aida à me relever , puis le bleu de nos vêtements se joignirent au loin dans l'allée du bois. 

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Peut être que certains d'entre vous n'auront pas saisi le détail des gants blancs, mais autrefois, un jeune homme qui faisait une demande en mariage devait porter des gants blancs. Ainsi , la femme le devinait plus simplement connaissant la règle et il était plus simple à l'homme de faire passer son message . Éléonore ne connaissait visiblement pas ce détail mais avait tout de même compris . Voilà, juste une petite note pour ceux qui n'auraient pas compris ;)


Les Fiancés Du Temps T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant