Isgard, au palais de la famille royale Kårde.
De la fenêtre de la chambre d'Ania, Serina observait le crépuscule qui tombait rapidement. Elle voyait déjà une ou deux étoiles scintiller dans le ciel, mais les derniers rayons du soleil s'attardaient encore à l'ouest.
Dans le parc, au loin, une faible lueur rougeâtre apparut. Les soldats avaient fini de rassembler les morceaux de la dionée géante et, sous le commandement du chevalier Hérodias, ils avaient allumé un grand brasier. La demoiselle d'aide de la princesse trembla de frayeur, rien que de penser à l'idée que son amie et ses parents avaient failli mourir dans de violentes circonstances.
Serina avait été informée de la terrible attaque envers la famille royale et, malgré son angoisse, elle n'avait pas failli à son devoir et s'était admirablement occupée de la princesse.
La jeune femme quitta la fenêtre puis retourna auprès d'Ania qui s'était endormie dans son splendide lit baroque à baldaquin en bois doré. Elle s'installa près de la coiffeuse et regarda la princesse avec trouble.
Une question revenait sans cesse dans l'esprit de Serina : Pourquoi Ania n'avait-elle aucunes séquelles de son agression ? Celle-ci dormait paisiblement, et son corps ne portait pas de traces de strangulations ni d'ecchymoses ou autres blessures.
Serina, décontenancée, éteignit une partie des chandelles qui éclairaient la chambre et quitta la pièce pour rejoindre la reine Kårde dans son salon privé afin de donner des nouvelles de sa fille.
La jeune fille longea un long corridor puis descendit un escalier qui amenait à un grand hall ovale donnant accès à différentes salles. Serina pénétra dans un salon feutré richement décoré, et y trouva les deux souveraines installées confortablement sur une banquette. Elles buvaient du thé et se réconfortaient mutuellement.
— Altesse ! Votre fille s'est endormie paisiblement, annonça Serina.
Thelma, encore sous le choc de sa terrible expérience vécue dans l'après-midi, fit un pâle sourire.
— Je te remercie, répondit-elle.
— Et vous mesdames... comment allez-vous ? demanda Serina en se pinçant les lèvres.
— Nous allons mieux, rassura Gladys. C'est gentil de te part de te préoccuper de nous.
Thelma se leva, enlaça la jeune femme avec tendresse puis s'adressa à elle avec bienveillance :
— Nous allons surement avoir des bleus et des courbatures pour quelques jours, mais rien de bien grave. Ne te fais plus de soucis et pense à autre chose.
La demoiselle d'aide de la princesse s'inclina puis prit congé des deux souveraines, les laissant tranquilles à leurs affaires.
Avant de retourner dans sa chambre, Serina aperçut par l'entrebâillement d'une porte le roi Kårde avec son conseiller. Ils étaient dans un petit bureau et conversaient avec intensité. En se rapprochant de quelques pas, elle entendit nettement leur discussion. La jeune femme comprit immédiatement que la situation était plus grave qu'elle ne le pensait, et son appréhension fut loin d'être apaisée.
« Il faut que j'en sache plus ! », se dit Serina piquée par la curiosité.
Sur la pointe des pieds, elle se plaqua contre le mur de façon à mieux suivre la scène.
Calé dans un profond fauteuil en cuir, Théodoros méditait les yeux rivés sur un parchemin tandis que le vieux sage semblait attendre une réaction de celui-ci.
— Satisfait de la réponse de votre ami Thion Zong ? demanda Argos sur un ton interrogateur.
— Vous pouvez lire sa missive, marmonna Théodoros en tendant le parchemin au mage. Je n'ai rien à vous cacher.
Argos s'installa dans un siège puis fit une lecture à haute voix de la lettre.
Mon cher frère Théodoros.
Après avoir pris connaissance et lu ta missive, je prends ma plume pour te répondre au plus vite à tes inquiétudes. En effet, il y a quelques temps, j'ai bien reçu la visite du fils de Sorguai et je l'ai accueilli à mon palais suite à des problèmes sur son navire volant. Comme toi, ma surprise fut grande de voir un tel engin. Je lui ai fourni tout le nécessaire pour réaliser ses réparations qui durèrent plusieurs jours.
Le prince Rovérez m'a donné, comme à toi, beaucoup de détails sur la fabrication et sur le fonctionnement de sa caravelle d'une manière naturelle. Il m'a aussi appris l'existence d'un dragon. Je t'avoue que cette histoire me trouble au plus haut point. Je n'ai plus de nouvelles de notre frère Sorguai depuis très longtemps, et son comportement m'intrigue.
Je me pose les mêmes questions que toi et je comprends tes craintes. Je lui ai envoyé un message, mais je suis toujours dans l'attente d'une réponse. Donc à l'heure actuelle, je suis dans l'impossibilité de te donner un début d'explication sur tout cela. Je pense que le mieux à faire est de contacter les autres membres de la communauté des dix. Je vais leur transmettre un message au plus vite, expliquant la situation au sujet de Sorguai. Peut-être que l'un d'entre eux pourra nous éclairer sur ses agissements.
Je reste à ta disposition mon ami, pensées respectueuses à ta famille.
Thion Zong.
Argos, pensif, rendit le parchemin à Théodoros.
— Il semblerait que le roi Zong soit dans la même perplexité que nous, exprima le vieux sage.
Théodoros hocha légèrement la tête :
— Il va falloir attendre à présent qu'un de mes anciens frères d'armes se manifeste.
Argos poussa un long soupir, puis son visage s'assombrit.
— Qu'est-ce qui vous inquiète ? lança Théodoros.
— Suite à ce que vous avez subi cet après-midi, grommela la mage. Je ne suis pas sûr que ça soit le bon moment pour vous révéler ce genre de choses.
Le roi se leva et fit quelques pas en frottant ses côtes gauches encore douloureuses.
— Dites-moi tout... que s'est-il passé ? exigea-t-il.
— Je ne suis pas sûr que les anciens membres de la communauté des dix reçoivent les messages de Thion Zong car ce que Ka Lan a vécu lors de sa mission est extrêmement troublant.
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Princesse Ania - Iorga la Démoniaque - Tome 2
FantasyAnia, la princesse du royaume d'Isgard, fille de Théodoros et Thelma Kårde, vit sous la malédiction de la sorcière Iorga depuis sa naissance. Elle n'a ni la parole ni de sens, et seule la vue lui permet de garder contact avec le monde qui l'entoure...