CHAPITRE VII - L'honneur pour toujours

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En rase campagne, à Coruskand

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En rase campagne, à Coruskand.


Dans les plaines sauvages, les chevaliers espions d'Albert de Lentwyck galopaient depuis de nombreuses heures vers Lanki.

N'ayant fait aucunes de haltes depuis leur départ, aux premières lumières de l'aube, les quatre cavaliers décidèrent de s'arrêter dans une petite clairière traversée par un cours d'eau. C'était un endroit convenable. Là, leurs montures pourraient boire de l'eau fraiche et se reposer.

Aussitôt descendus de chevaux, le chef du groupe grimpa sur un énorme bloc de granite tandis que les autres s'assirent dans les hautes herbes pour se restaurer. Ils avaient pris dans leurs besaces de cuir de copieuses provisions, tel que des fruits secs et de la viande séchée ou divers pains.

Sur son rocher, le chef décrivit un tour complet d'ouest en ouest, et ne vit rien d'autre qu'un paysage d'herbe rase sans arbres, où régnait le silence. Rassuré, il s'assit, tête basse, bras ballants entre les genoux et regarda ses compagnons.

— Il est temps... mangez ! dit-il d'une voix monocorde.

C'est avec un grand appétit que les hommes engloutirent rapidement une partie de leurs denrées, puis après un concours de rots et une petite sieste, ils se mirent à discuter de leur mission.

— Je pense que nous devrions atteindre le palais de l'impératrice de Vantimire dans quelques heures, lança l'un d'eux.

— Bien avant la tombée de la nuit ! répondit le chef du groupe.

— Peu importe quand nous y arriverons ! rétorqua Adrian. J'espère que nous allons enfin trouver des indices ou une piste sérieuse nous amenant à Iorga. Cette quête n'a que trop duré depuis dix-sept ans maintenant.

— Je comprends ta frustration, répliqua un de ses compagnons. Toutes ses années à voyager dans le monde entier pour ne rien obtenir nous ont souvent fait perdre tout espoir.

— C'est même à se demander si notre souverain a encore raison de s'obstiner à rechercher cette sorcière...

Un des chevaliers se releva, puis s'exclama avec virulence.

— Nous avons juré allégeance à notre roi et nous suivrons donc ses ordres...

— Calmez-vous ! coupa le chef qui sentait le ton monter dans le groupe. Chacun a le droit d'avoir son opinion sur notre mission qui nous incombe et qui nous a volé un bon paquet d'années de nos vies.

Les quatre chevaliers espions d'Albert de Lentwyck se dévisagèrent puis hochèrent la tête en guise d'accord.

— Ce harassement nous met à fleur de peau et nous fait dire n'importe quoi ! avoua Adrian, le visage blafard.

— Je ne te blâme pas ! répondit son frère d'armes tapant son épaule, en un geste qui se voulait rassurant. Nous revenons à peine d'une longue et périlleuse chevauchée de plusieurs semaines que nous revoilà déjà très loin de nos familles. Je peux comprendre ta colère.

Adrian acquiesça en silence mais ne masqua pas son inquiétude.

— Cette fois-ci ! reprit le chef sur un ton franc. Je suis persuadé que nous avons une réelle chance d'appréhender cette sorcière et de mettre définitivement fin à toute cette terrible histoire. Il n'est pas tolérable d'abandonner maintenant... notre souverain compte sur nous.

Ce discours redonna du baume au cœur aux hommes, et c'est avec enthousiasme que ces derniers se préparèrent à reprendre la route.

Alors que les quatre chevaliers s'apprêtaient à remonter en selle, ils observèrent un phénomène étrange dans le ciel.

De nombreux corbeaux qui croassaient inlassablement apparurent au-dessus d'eux. En peu de temps, la nuée de volatiles se mit à grossir et prit une telle dimension qu'elle devint opaque puis assombrit tout l'environnement.

— Je n'ai jamais vu une chose pareille ! lança Adrian à ses acolytes. Il doit en avoir des centaines et des centaines.

Chacun des membres du groupe retenait tant bien que mal son cheval qui, stressé par la situation, se cabrait pour tenter de fuir.

Subitement, la masse noire devint silencieuse, la rendant encore plus menaçante.

— Mais que se passe-t-il ? se demanda, affolé, un des chevaliers.

Le chef regarda tristement, un à un, ses frères d'armes puis relâcha sa monture qui décampa à grands galops.

Ce geste surprit les trois autres hommes.

— Faites comme moi ! dit-il la voix chargée d'émotion. C'est la fin.

Ses compagnons comprirent ce qu'il se passait et firent partir leurs chevaux qui hennirent comme des furieux. Ils sortirent leurs épées du fourreau puis observèrent la nuée de corbeaux qui semblait attendre un ordre pour fondre sur eux.

— Ce fut une fierté de vous avoir eu comme amis ! annonça  Adrian avec un sourire mélancolique.

Les quatre hommes s'échangèrent des regards bienveillants. Ils savaient qu'ils allaient affronter la mort ensemble, mais guidés par leur serment de chevalerie, ces derniers étaient prêts à défendre la vie de chacun pour l'honneur.

— En cercle de défense ! cria le chef. Il n'y a que deux issus. Soit nous vainquons, soit nous mourrons ! Mais ça sera tous ensemble.

— Protégeons à tout prix la vie de nos camarades comme si c'était la nôtre ! reprirent en cœur les chevaliers. Si nos forces venaient à disparaitre, ça serait là notre dernier acte de bravoure.

Soudain, les croassements résonnèrent à nouveau. La masse sombre fila à une vitesse vertigineuse vers les quatre malheureux, puis s'abattit sur eux sans qu'ils aient eu le temps de se protéger et les engloutit, tel un monstre glouton gigantesque pressait de les dévorer.

Quelques minutes plus tard, il n'y avait plus de hurlements, ni de douleurs, ni de luttes. Les oiseaux noirs, pourvoyeurs de désolation, avaient fini leur sale besogne et se dispersaient dans le ciel en silence, laissant derrière eux les corps sans vie des chevaliers espions d'Albert de Lentwyck qui gisaient dans une mare de sang. 

Princesse Ania - Iorga la Démoniaque - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant