Manldinar.
Depuis qu'il avait franchi le volcan Räunga et pénétré dans les terres de Manldinar, le prince Albaran Ürtz n'avait fait que gravir des collines et redescendre leurs longs contreforts pour replonger à chaque fois dans de nouvelles vallées désertes et paisibles. Il n'y avait, dans ces contrées sauvages, aucun chemin tracé ou balisé, et garder le cap au Sud était ardu mais Albaran n'était pas affecté par les contraintes de son périple, bien au contraire. La faune et la flore exubérante ou la douceur du climat rendaient le jeune homme ivre de joie, et chacun de ses pas l'amenait vers de nouvelles découvertes et expériences qui éveillaient tous ses sens. Albaran était tout simplement heureux et émerveillé par cette nature riche et grandiose.
Arrivé au sommet d'un mont, le prince d'Hantera vit droit devant lui que les collines s'amenuisaient, puis la vue s'étendait sur une immense plaine, parsemée de fleurs blanches et d'arbustes, qui descendait en pente douce jusqu'à une forêt semblant s'étendre à l'infini. Albaran sourit, il était indubitable que sa longue marche à travers les hauteurs touchait à sa fin mais qu'un nouveau parcours encore plus rude allait commencer.
Le prince contempla du sommet de la colline ce territoire inexploré à l'atmosphère singulière. À sa droite, au-delà des monts qui s'adoucissaient, son regard portait sur une brousse parsemée de bombements couleur ocre. Et à sa gauche, les terres se soulevaient en croupes herbeuses, vertes, jaunes, rousses, derrière lesquelles une lande pierreuse se perdait dans un lointain grisâtre et indéfini. Albaran avait hâte d'explorer cet étonnant monde et, avec une nouvelle énergie, partit à grande foulée le long du versant vers la masse verte démesurée.
Apres une heure de marche distrayante dans l'herbe grasse, accompagné de nuées de papillons multicolores, le prince arriva à la lisière de l'impressionnante forêt qui, à l'Est comme à l'Ouest, s'étendait à n'en plus finir. Albaran étudia sa boussole puis pénétra, avec une petite appréhension, dans cet univers qui lui était totalement inconnu.
Au début, il y avait de charmantes petites clairières avec de nombreux bouquets d'arbres, et Albaran apprécia cet environnement qui bruissait de chants d'oiseaux, cris de bêtes et craquement de branchages. A chaque pas, il respirait à fond l'air revigorant de cette nature. Jamais, Albaran n'avait senti de telles odeurs. Puis les bois se firent plus denses de part et d'autre. Les arbres étaient à présent plus vieux et plus épais. Les rayons du soleil filtrés par l'abondante végétation qui formait un toit verdâtre au-dessus de la tête du jeune homme ne parvenaient plus au sol, et la température décrut tandis que l'humidité s'installait inexorablement.
Les feuillages dégoutaient d'eau, et Albaran cheminait avec prudence entre les arbres et fougères tout en maintenant la direction au Sud. Il ne voyait que des troncs de dimensions et de formes innombrables, couverts de mousses et d'excroissances visqueuses malodorantes. La forêt était devenue un épais tapis de feuillage nimbé de brume, et le contour des frondaisons devenait difficile à discerner. Le prince ne s'était pas rendu compte tout de suite, mais il n'y avait plus aucuns bruits autour de lui.
Le sol se fit mou et, en certain endroit, marécageux mais Albaran continua d'avancer toujours droit devant lui. Des vapeurs surgirent du sol pour se mêler aux brumes et l'intrépide jeune homme commença à se sentir mal. Le prince, pris de vertige, s'effondra. Avec une volonté féroce, il se redressa aussitôt mais sa tête se mit à tourner. Albaran sentit sa jambe se dérober sous lui, et avant de tomber à nouveau, posa une main sur le tronc d'un arbre pour se retenir.
Sans avoir eu le temps de réagir, le prince vit sa main commencer à être absorbée par l'écorce de l'arbre, et fut immobilisé par des racines gluantes qui jaillirent de la terre puis s'enroulèrent au niveau de ses mollets. Albaran comprit que la végétation voulait se nourrir de lui et ne paniqua pas. Sans s'agiter, dans un calme impérial, il se concentra puis son aura glaciale rayonna pour pétrifier et glacer tout autour de lui. Le jeune mage, enveloppé d'un halo blanc semé d'éclats lumineux, s'extirpa du piège dans lequel il était tombé par excès de confiance et essaya d'échapper aux vapeurs toxiques, mais à peine il eut fait quelques pas qu'il sombra inconscient la face première sur le sol jonché de lichen et de feuilles pourris.
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Princesse Ania - Iorga la Démoniaque - Tome 2
FantasiaAnia, la princesse du royaume d'Isgard, fille de Théodoros et Thelma Kårde, vit sous la malédiction de la sorcière Iorga depuis sa naissance. Elle n'a ni la parole ni de sens, et seule la vue lui permet de garder contact avec le monde qui l'entoure...