Ania, la princesse du royaume d'Isgard, fille de Théodoros et Thelma Kårde, vit sous la malédiction de la sorcière Iorga depuis sa naissance. Elle n'a ni la parole ni de sens, et seule la vue lui permet de garder contact avec le monde qui l'entoure...
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Isgard, en province Mendoza, au nord de Kanji
Dans la lumière rasante du petit matin, au sommet d'une colline voluptueuse colorée de mille nuances de vert, le seigneur Isaak et ses troupes, dans un silence total, observaient en contrebas les Waâ locks qui s'étaient amassés autour des arbres non loin des marécages brumeux pour dormir.
Isaak, l'ancien chevalier qui avait combattu aux côtés de Théodoros Kårde lors de la guerre des dragons, affichait un imperceptible sourire de satisfaction car par deux fois il avait eu raison. En premier lieu, les Waâ locks étaient bien pile à l'endroit qu'il avait indiqué à ses hommes. Les éclaireurs et les pisteurs avaient vite retrouvé les immondes créatures, et les évacuations des campagnes environnantes s'étaient déroulées sans aucunes difficultés apparentes. En second lieu, comme il l'avait prévu, durant toute la nuit, les deux cents soldats avaient marché sans trêve ni repos, abreuvés et encouragés par les habitants des cités qu'ils traversaient, et au fur et à mesure de leur progression, les rangs des militaires avaient grossi de volontaires qui s'étaient enrôlés avec colère suite à l'annonce d'une invasion de monstres tueurs de femmes et d'enfants. Au total, ce fut plus de milles combattants déterminés qui suivirent les pas des soldats.
— Nous n'attendons plus que les ordres ! Tout est prêt comme selon votre plan d'attaque, dit l'officier en chef qui amena son cheval à la hauteur de celui du seigneur de Mendoza.
Isaak flatta l'encolure de sa monture, puis son regard se perdit dans les brumes qui s'étendaient sur la petite vallée profonde et humide.
— Parfait, nous allons pouvoir profiter pleinement de nos trois avantages. L'effet de surprise, le surnombre et ce magnifique soleil que les Waâ locks détestent tant.
— Cela sera facile de les écraser ! railla l'officier en chef.
— Ne vous méprenez pas, lança Isaak les yeux noirs. Même si la victoire est assurée, il y aura probablement des blessés et des morts ! Vous pouvez ordonner à présent la charge.
Le militaire serra les dents, s'inclina en mettant son poing sur son torse puis alla rejoindre les troupes qui attendaient, la rage au ventre, pour en découdre avec les monstres. Chaque homme voulait venger la cité Kanji.
Les bannières dressées vers le ciel tombèrent au sol, et ce fut le signal de l'offensive pour la première ligne de soldats qui fondit de la colline dans un assaut brutal. Toutes épées sorties, boucliers remontés jusqu'au nez, les soldats coururent fougueusement vers les créatures agglutinées au sol en une masse grisâtre. Les premiers Waâ locks à être assaillis, encore somnolents et engourdis, furent surpris par l'attaque audacieuse des hommes, et les premiers coups de glaives firent beaucoup de dégâts. Toutefois, très rapidement, de curieux concerts de hurlements et de grondements s'élevèrent de toutes parts. Les créatures décharnées et longilignes, tels d'immenses insectes, avaient donné l'alerte entre elles.
Une fois l'effet de surprise passé, les monstres aux grands yeux globuleux ripostèrent avec une férocité décuplée par la rage de voir quelques un des leurs gisant ensanglantés. En tant que prédateurs, ils n'étaient pas habitués à être les proies, et fuir ne faisait pas partie de leurs mœurs sauvages. Les Waâ locks se jetèrent sur leurs assaillants et frappèrent de tous les côtés avec leurs quatre membres supérieurs qui se terminaient par de grandes griffes acérées. De nombreux hommes, peu habitués aux combats, furent submergés et ne tardèrent pas à reculer puis à s'enfuir dans une débandade générale.
C'est alors que la deuxième ligne de soldats, composée entièrement de hallebardiers, se jeta dans la mêlée puis ouvrit une trouée en éventrant et empalant un maximum de monstres. Face au surnombre et aux pics tranchants des hommes, les Waâ locks furent contraints de reculer. Peu à peu, les soldats du seigneur Isaak prirent l'avantage et repoussèrent les créatures vers les marais.
— Manœuvre d'encerclement ! Manœuvre d'encerclement ! hurlaient les officiers aux combattants encore aptes à lutter et batailler.
