Ania, la princesse du royaume d'Isgard, fille de Théodoros et Thelma Kårde, vit sous la malédiction de la sorcière Iorga depuis sa naissance. Elle n'a ni la parole ni de sens, et seule la vue lui permet de garder contact avec le monde qui l'entoure...
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Isgard, au palais de la famille royale Kårde, chez Ordos à la caserne.
Ordos hurla puis se redressa d'un coup sec dans son lit. Il tremblait de rage et nageait dans sa sueur.
« Encore une fois ! », pesta-t-il.
Le géant, fiévreux, frotta longuement son visage puis se leva. Après avoir fait quelques pas dans sa chambre, il ouvrit l'unique fenêtre de la pièce pour prendre l'air. Il profita de la fraicheur de la nuit et du silence qui régnait à la caserne pour reprendre ses esprits.
Ordos regarda le ciel limpide percé de millier points lumineux, les yeux écarquillés, revivant son rêve avec précision.
Dans un bois à la végétation abondante et touffue, un jeune garçon d'une douzaine d'années, muni d'un bâton, jouait au chevalier et longeait une petite rivière aux eaux calmes qui serpentait à travers les arbres et les taillis. Soudain, l'enfant distingua comme une voix. Intrigué, il s'approcha en silence de l'endroit d'où provenaient les sons, puis s'allongea dans un bosquet pour observer une femme de dos. Elle avait une longue chevelure blonde bouclée et portait une robe sombre. Cette mystérieuse inconnue pratiquait une curieuse danse et fredonnait des incantations incompréhensibles.
Après avoir fini son étrange cérémonial, la femme s'arracha une mèche de cheveux, leva son bras droit vers le ciel puis entonna un poème :
« L'enfant de la reine d'Isgard, qui naitra bientôt,
perdra quatre de ses sens et jamais ne dira mots.
Cet enfant gardera la vue, pour qu'il puisse voir la tristesse de ses parents
qui ne vivront plus jamais de bonheur et d'apaisement. »
Quelques secondes après, les phrases envahirent l'esprit du garçon comme une voix intérieure. Ne comprenant pas ce qui lui arrivait et pris de panique, l'enfant cria puis se releva. L'inconnue se retourna immédiatement vers le garçon qui n'eut pas le temps de s'enfuir. Une force invisible le paralysa et le lévita à un pied du sol.
Lorsque la femme rejoignit l'enfant immobilisé et totalement à sa merci, celui-ci découvrit avec effroi qu'elle n'avait pas de visage. Le garçon, les larmes aux yeux, hurla toute sa terreur puis sombra dans les ténèbres. Le noir total et le silence furent absolus.
Ordos grinça des dents et prit une grande inspiration. Ce n'était pas la première fois qu'il faisait ce songe et, à chaque fois, il se réveillait dans le même état de colère.
Si le géant Manzy était persuadé que cette femme sans visage pouvait bien être Iorga, il ne parvenait pas à savoir qui était ce jeune garçon. Il voulait absolument connaitre la suite de ce rêve qui le hantait depuis tant d'années, et cela faisait trop longtemps qu'il gardait ce secret pour lui. Le chevalier referma doucement la fenêtre puis alla se recoucher.
Il était temps pour Ordos de découvrir à quoi pouvait bien correspondre ces images récurrentes. Etait-ce un événement vécu, une prémonition, un message ou une simple création de son imagination ? Il était décidé à tout raconter à Argos au petit matin et espérait de tout cœur que le vieux sage puisse l'aider ou émettre une hypothèse sur tout ce mystère.
Le chevalier chassa ses sombres pensées, médita durant un long moment puis finit par se rendormir.
