Chapitre 11

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Mon trajet en bus s'est relativement bien passé, et à part une drakaina croisée dans une station-service je n'avais pas eu d'autres occasions de combattre des monstres. Au bout de presque 22h de route, j'ai enfin rejoint une petite commune du Sud-Ouest de la France où vit désormais ma tante. Etrangement, je n'ai pas eu de difficultés à trouver son lieu de résidence. Depuis dix minutes je me trouve face à cette maison de pierre et ne peux me résoudre à sonner. Cependant, les regards du voisin qui se font de plus en plus insistant m'incitent à sonner. Regrettant mon acte et me demandant ce que je pouvais bien trouver à dire, je n'ai pas le temps de m'enfuir puisque quelques secondes après une femme d'environ 40 ans vient m'ouvrir la porte. J'ouvre la bouche mais aucun son ne sort. Que dois-je dire ? Voyant mon hésitation, et certainement derrière la brume mon épée que je tiens toujours à la main, elle commence à dire en anglais :

- Rose, c'est toi ?

J'acquiesce et son sourire s'élargit. Finalement elle m'invite à rentrer et me serre dans les bras. Se rendant compte de ma gêne mais aussi du fait que je ne la connais pas, elle défait son étreinte et se contente de dire :

- Je suis Lena, la sœur d'Anne.

Je la suis jusqu'au salon et tandis qu'elle s'assoit j'examine la pièce du regard. Plusieurs cadres ornent les murs. Des photos de familles où tous sourient. Une photo de mariage. Des photos de vacances passées en famille. La photo d'un garçonnet d'une dizaine d'années tenant fièrement un bébé dans les bras.

- C'est Hugo à l'âge de neuf ans qui tient sa petite sœur qui n'a que quelques semaines, m'explique Lena. Veux-tu quelque chose à boire, à manger ?

Je décline poliment sa proposition en lui demandant des informations sur Hugo. J'apprends ainsi qu'Hugo est scolarisé dans le lycée le plus proche et qu'il n'a jamais été dyslexique contrairement à d'autres demi-dieux. Il est également passionné de foot et ferait n'importe quoi pour Laïa, sa petite sœur. Je n'ose pas couper ma tante dans son récit, et elle arrive finalement à me parler de la situation actuelle de mon frère.

- Hugo a fugué il y a deux jours en nous laissant simplement une lettre. Nous avons essayé plusieurs fois de l'appeler mais il n'a répondu qu'une seule fois en nous disant qu'il nous aimait mais qu'il ne fallait plus l'appeler. Nous avons hésité à appeler la police mais que feraient-ils face à cette situation ? Ils refuseraient de croire qu'Hugo a fui pour nous protéger de monstres tout droit sortis de la mythologie grecque ! Finalement ta mère a appelé hier pour nous dire que tu t'étais lancée à la recherche de ton frère et qu'il fallait te laisser faire.

Elle m'indique ensuite que la chambre d'Hugo se situe au premier étage et que sur son bureau est posée la fameuse lettre. En montant les escaliers je me demande comment ma mère a-t-elle pu être au courant que j'étais partie à la recherche d'Hugo. Soudain, je me souviens d'un message Iris passé la veille pour parler à Will et lui expliquer mes actes. Ce dernier avait alors dû prévenir Chiron qui a son tour avait prévenu ma mère. Lorsque je rentre dans sa chambre, je suis presque surprise par la familiarité de l'endroit. Elle est à la fois différente mais si semblable à celle que j'avais imaginé. Des cahiers trainent au sol et un sweat est posé sur le dossier de sa chaise de bureau. Plusieurs posters où l'on peut voir des photographies de grandes villes comme New York ou montrant une équipe de foot ainsi qu'un même stade sont accrochés au mur. Un ballon se trouve au pied de son lit et sur sa table de nuit trône une photo de lui et sa sœur. On dirait qu'il va débarquer d'une seconde à l'autre. Je m'approche de son bureau et découvre la lettre qu'il a en effet rédigée à l'intention de sa famille. Je commence à la lire.

« Je ne sais pas vraiment par où commencer. J'ai terriblement peur de vous décevoir et je sais que je suis en train de le faire en ce moment même. Je sais aussi que vous allez vous inquiéter mais ce n'est pas utile, je sais me débrouiller seul. Je dois partir pour vous mettre en sécurité. Je sais que toutes ces bizarreries que j'ai déjà vu, tous ces choses qui ressemblent à des montres, je sais qu'elles sont là à cause de moi. Je sais que je ne suis pas normal. Je sais qu'il y a quelque chose qui cloche chez moi. Le seul truc c'est que je ne sais pas encore si cette « chose » est une bonne ou une mauvaise chose. Je dois le découvrir par moi-même. Je sais aussi que vous n'êtes pas mes parents biologiques, désolé maman j'ai entendu des bribes de tes conversations téléphoniques avec ta sœur, mais vous êtes mes vrais parents. Ceux qui m'ont élevé, ceux qui ont fait celui que je suis, ceux que j'aime et que j'aimerai toujours. Je ne pars pas pour vous abandonner, je ne veux pas que vous ayez cette impression. Je pars parce que je ne veux pas vous exposer à des choses que je ne maîtrise ni ne comprends pas. Quand j'aurai compris, quand j'aurai découvert qui je suis, je reviendrai. Ce n'est pas la peine de me chercher, je reviendrai. Dites à Laïa que je l'aime très fort et que je penserai à elle tout le temps. Dites-lui qu'elle sera toujours ma petite sœur. Dites-lui que je serais toujours là. Je lui laisse mon doudou que j'avais étant petit et que finalement j'ai toujours gardé près de moi. Vous trouverez aussi une deuxième lettre avec celle-ci que vous devrez donner à Laïa quand elle sera en âge de comprendre. J'espère être revenu pour pouvoir lui donner moi-même. Papa, maman, je vous aime tellement. Merci de vous être occupé de moi. Merci de me considérer comme votre fils et de m'aimer en tant que tel. Je vous aime et je reviendrai.

Rose Hathaway, sang-mêlée malgré elleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant