De toutes les couleurs

Chapitre 1 : Ely

Voilà. Moi, c'est Ely. J'ai 12 ans, je suis roux aux yeux noisette, et je suis en sixième. Je suis rêveur et souvent dans la lune, mais pas pour le travail scolaire : mes notes sont globalement bonnes, j'ai même des problèmes avec mes camarades à cause de ça. J'ai une grande sœur, Maïa, qui est en seconde.

C'est bientôt les vacances d'été. Cette année a été plutôt pas mal : j'ai eu de bonnes notes, mes profs sont sympas, je me suis fait des copains. Nous sommes une petite bande de six : il y a Nathan et Enzo (les deux imbéciles pervers mais qu'on aime bien quand même), Maxence, Joël (le seul à peu près calme), moi bien sûr, et la seule fille de la bande, Zoé (elle, elle est en cinquième, mais de base c'était la pote de Nath, qui a redoublé... C'est compliqué). C'est d'ailleurs d'elle que je suis le plus proche. Enzo et Nath me traitent de "fille", mais je m'en fiche ; eux, ils sont tellement pervers qu'ils ne peuvent pas imaginer d'amitié fille-garçon. En plus, eux ils sont toujours tous les deux, Jo et Max sont inséparables. Alors forcément que je traîne avec Zoé ! Et puis c'est pas non plus comme si je passais mon temps avec n'importe quelle fille. D'abord, je passe pas tout mon temps avec elle, ensuite c'est pas n'importe quelle fille ! Je veux bien que si j'étais toujours avec Yla (et c'est juste un exemple), on pourrait penser que j'ai un problème, mais là... Non ?

Pardon, je m'emballe. C'est vrai que vous venez juste d'arriver dans mon petit monde, et vous ne connaissez vraiment ni Zoé, ni Yla.

Alors, sans rentrer dans les détails, juste pour vous donner une idée générale : imaginez vous une emmerdeuse prétentieuse et obsédée par ses fringues (ça c'est Yla), et une déconneuse sympa et dégourdie (ça c'est Zoé) : vous avez l'idée.

Maintenant, on est d'accord : c'est pas comme si j'étais à longueur de temps avec Yla !?

Désolé. Mais ça m'agace.

Enfin bref, changeons de sujet (faut pas s'attarder sur les choses qui fâchent).

C'est aujourd'hui mardi et comme tous les mardis de l'année, je commence à neuf heures (merci mon Dieu pour cet emploi du temps... Ou simplement merci ceux qui ont fait les emplois du temps ?). En gros, le matin, ça me fait une heure de moins à passer à l'école.

Bon d'accord je le pensais pas

Donc (ça suffit les réflexions personnelles, je parie qu'en fait vous vous en foutez un peu), je me lève une heure plus tard que les autres jours en remerciant mentalement un illustre inconnu pour cet emploi du temps, j'enfile un bermuda de ville rouge et mon t-shirt Star Wars, et je vais déjeuner. Après un chocolat chaud et trois-quatre tartines de confiture (moi, le matin, je suis un goinfre), je prends mon cartable et lance un bref "salut" à Anne, ma sœur, qui se lève juste à ce moment, avant de partir en direction de l'arrêt de bus.

En chemin, je croise Enzo, qui prend le bus au même arrêt que moi. On marche ensemble en parlant de l'interro d'histoire annoncée par cet em******* de prof, on manque de louper le bus, et on reprend notre souffle en riant, vautrés sur la banquette du fond, notre place fétiche.

Trois arrêts plus loin, on est rejoints par Maxence, qui s'étonne comme chaque mardi :

- Elle est pas là Zoé ?

- Bah non, elle commence à huit heures le mardi, répondons-nous comme chaque mardi.

C'est toutes les semaines pareil. Max n'arrive pas à se mettre dans la tête que Zou commence à huit heures les mardis. En revanche, il se souvient très bien qu'elle termine à quinze heures (et nous à seize).

A neuf heurs moins dix, on arrive devant le collège.

- Attendez-moi les mecs ! nous interpelle Nathan.

- Yo couillon ! s'écrie Enzo.

- Enzo ! se fâche le surveillant au portail.

- C'est bon, m'sieur, on rigole...

Le pion soupire et nous laisse entrer. Il a (beaucoup trop) l'habitude des conneries de Nath et Enzo.

Après le cours d'histoire, nous retrouvons Zoé dans la cour :

- Ouaich fillette !

- Ouaich p'tit con !

Forcément Enzo lui court après. Mais elle l'attend de pied ferme et, petit comme il est, elle le maîtrise facilement.

- Nath, aide-moi !

Mais Nathan, comme nous tous, se contente de rigoler comme un dingue.

C'est toujours comme ça avec nous.

***

Il est 11h55. Dans cinq minutes, ça sonne, et on est libérés, mais en attendant, qu'est-ce qu'on s'emmerde !

Alors forcément, comme tout bon collégien qui s'emmerde, on joue au jeu le plus classique de la terre : se faire passer des petits mots.

Enzo : Putain on se fait chier !

Moi : Oui trop :/

Nath : On mange ensemble à midi ?

Enzo : Je rentre chez moi je bouffe pas au self.

Max : Bah tous les 4 alors ?

Moi : Mais y a Zoé !

Nath : :/

Joël : On réservera une table de six !

Moi : Si on y arrive !

Dans la cantine, il n'y a que trois ou quatre tables pour six personnes, toutes les autres étant des tables pour quatre. Et forcément, c'est souvent la ruée vers les tables de six...

Je suis en train d'écrire "Faudra sortir vite, à la sonnerie !" quand un bruit strident retentit dans tout l'établissement.