Chapitre 9 : Ely

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Il est 9h48. La récré est dans exactement 2 minutes. En attendant, je lutte pour ne pas m'endormir, tellement ce prof d'histoire est soporifique.

Un petit papier plié me parvient. Je l'ouvre et lis :

T'es sûr que tout va bien ? Jo.

Je souris et, à mon tour, j'écris :

Oui nickel, je me suis juste retrouvé coincé au beau milieu d'un incendie hier avec des gens que je connaissais pas, et en plus quand on a pu sortir au lieu de me laisser rentrer tranquillement chez moi, ils m'ont envoyé poireauter deux heures aux urgences...

Joël change de sujet :

C'est le b**del les cours !

En effet. Puisque l'incendie a ravagé une partie de l'établissement, il y a eu une nouvelle répartition des classes, de manière à avoir des classes plus chargées, mais en plus petit nombre. Comme ça, chacune a accès à une salle de classe, ce qui n'aurait pas été le cas si on avait gardé les 6 classes dans chaque niveau. Mais forcément, c'est le bazar au niveau des cours.

J'écris Forcément, on est 40 au lieu de 30 ! et je m'apprête à faire passer le papier, quand la cloche sonne soudain. Soulagé, je me précipite vers la sortie.

Une fois dans la cour, je vais à mon casier pour récupérer le devoir de français à rendre pour tout à l'heure, et je réalise qu'un morceau de papier y a été glissé. La feuille est entièrement blanche, à l'exception d'un trait qui la traverse en diagonale. Ce trait n'est pas continu, il a été coupé en plusieurs endroits. Curieux, je retourne la feuille à la recherche d'un autre indice ; au dos, il n'y a qu'un nombre, 044, et deux lettres, No. Ce dernier détail me permet d'identifier la feuille comme provenant de Nolan. Je me doute aussitôt que ce n'est pas pour rien qu'il me l'a faite passer, et qu'il doit y avoir un sens caché.

J'observe la feuille plus attentivement. Ce numéro, 044, est celui de mon casier ; aucun doute, le message est de Nolan et il m'est adressé. C'est à moi de le décrypter.

Je retourne à nouveau la feuille et reporte mon attention sur le trait en diagonale. J'essaie de trouver une logique aux espaces qui le jalonnent, mais il s'avère bientôt qu'il n'y en a aucune. Ce message est incompréhensible.

Un détail attire soudain mon attention : le trait a été tracé au stylo-encre. Et en regardant de très, très près, on peut voir que le tracé n'a pas été interrompu ; il a simplement traversé une zone marquée à l'effaceur !

Je comprends enfin. La feuille serrée contre moi comme un trésor, je me précipite au CDI, m'assieds à une table individuelle, saisis mon stylo-encre et colorie entièrement le papier. Maintenant, les mots apparaissent clairement, en blanc sur fond bleu :

RDV auj. 16h pl. V. Hugo. TRÈS IMPORTANT. N.

Intrigué, je me demande ce qu'il s'est passé de si grave entre hier soir et ce matin, quand la sonnerie signalant la fin de la récré me tire de ma rêverie. Je me mets en rang avec mes camarades, toujours perplexe. Et ce n'est qu'une fois en classe, quand la prof demande qui veut corriger l'exercice sur Scratch, que je m'aperçois que nous sommes en cours de maths.

Avec Mme Sians.

J'étouffe une exclamation et la prof me regarde bizarrement :

- Tout va bien, Ely ?

- Euh, oui madame !

Je pique du nez dans mon cahier, gêné. La prof se désintéresse de moi, mais je juge tout de même préférable de ne plus me faire remarquer.

A la fin du cours, nous passons de la salle informatique à notre salle de classe habituelle. Je fais signe à mes amis de ne pas m'attendre et m'approche du bureau de la prof :

- Madame...

Elle relève la tête et fronce les sourcils en me voyant :

- Oui, Ely ?

Le ton est sévère, dissuasif. Je sens une boule se former au creux de mon ventre. Je suis tellement déstabilisé et intimidé par cette intonation inhabituelle que je me contente de balbutier :

- Euh... Je... On... Non rien !

J'ai juste le temps de la voir hausser un sourcil avant de partir en courant. Mais à peine ai-je fait quelques pas dans le couloir que la voix de la prof retentit dans ma tête :

- Ely !

Le ton est nettement plus bienveillant. Je me fige.

- Oui ?

Je me rends compte en même temps de l'étrangeté de mon comportement, alors je me remets à marcher. Mme Sians reprend :

- Sois patient. Soyez patients. Vous en saurez bientôt plus.

- D'accord.

- Et surtout pas d'imprudences.

"On dirait Ombrine", je songe.

- Ombrine a raison, répond la prof.

Je me dis alors que si elle a entendu ce que j'avais prévu de garder pour moi, c'est que je ne maîtrise pas encore la technique de la télépathie. Et à peine ai-je formulé cette pensée que le rire clair de Mme Sians retentit dans mon esprit :

- Il y a des chances, en effet !

Je souris en m'engageant dans les escaliers.

- Dépêche-toi, tu es en retard, me conseille Mme Sians.

J'accélère le pas. Mais avant d'atteindre ma salle de classe, un détail me revient à l'esprit :

- Nolan nous a donné un rendez-vous cet après-midi, à Ombrine, Lyzia et moi. Ça a l'air grave.

- Nolan ? Bizarre... Bon, tenez-moi au courant. S'il se passe quoi que ce soit d'anormal, je veux en être avertie.

Pendant un instant, je peux presque percevoir son expression nerveuse, inquiète. Puis, sans avertissement, elle coupe le contact.

Il ne me reste plus qu'à retourner en cours.

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