Elisabetta profitait pleinement de sa semi-liberté retrouvée. Alba Casaleccia était encore fragile et la jeune fille avait l'entière responsabilité de pourvoir la maisonnée en herbes et plantes de toutes sortes tant pour agrémenter les repas que pour fabriquer les remèdes traditionnels dont l'aïeule du clan gardait jalousement les recettes.
Le mois de juillet était à présent bien entamé et les températures avaient brusquement augmenté. Il faisait très chaud mais la jeune fille était habituée à ce climat particulier. Elle se promenait aux alentours du village avec son fidèle H'Orsu, un panier tressé sous le bras, à la recherche de quelques plantes afin de renouveler la pharmacie familiale. Elle observait attentivement la végétation afin de ne pas confondre les végétaux toxiques et ceux dont se servaient quotidiennement les femmes de la famille.
Elisabetta songeait en même temps à son altercation du printemps avec Leandru Venazzi. Il allait bientôt revenir à Merusaglia et elle se demandait comment se venger de lui. Tout à coup un petit sourire apparu sur son visage tandis qu'elle fixait une liane de chèvrefeuille des bois. Les fleurs de chèvrefeuille, séchées à l'ombre, étaient préconisées pour soigner la toux, le rhume, les bronchites légères, l'asthme nerveux, les palpitations, l'insomnie et le hoquet. Elles se prenaient sous forme d'infusion et la jeune fille avait l'habitude de préparer régulièrement ce breuvage pour les membres de son clan.
Elle savait également que les baies étaient légèrement toxiques et qu'elles pouvaient provoquer vomissements et douleurs intestinales. Mais leur maturité se situait entre septembre et novembre et Elisabetta n'avait pas l'intention d'attendre des mois avant de pouvoir administrer une bonne correction au cadet des Venazzi.
Elle songea alors à la mercuriale, cette plante à l'odeur nauséabonde dont les racines provoquaient, en cas d'ingestion, des vomissements abondants. Plante très commune, la jeune fille savait qu'elle pouvait la trouver dans des terrains très variés et notamment aux alentours des habitations, des terrains vagues et des jardins potagers. Plus elle y réfléchissait, plus l'idée faisait son chemin dans l'esprit de la cadette des Casaleccia. Il était hors de question que Leandru Venazzi ne soit pas puni pour avoir osé s'en prendre physiquement à elle.
En rentrant chez elle, Elisabetta eut la surprise d'entendre son père lui demander de participer au traditionnel banquet du 14 juillet organisé par les Venazzi. Celui-ci était particulier : la plupart des habitants de Merusaglia préféraient en effet célébrer l'anniversaire de l'élection de Pascal Paoli comme Général de la Nation corse le 14 juillet 1755 que la prise de la Bastille le 14 juillet 1789.
Au cours des siècles passés, les défenseurs des troupes françaises avaient fini par se ranger aux arguments des paolistes et ils étaient nombreux à ne pas apprécier le rattachement de leur île à la France. Seuls quelques habitants, dont le clan Casaleccia au grand complet, refusaient de participer à toute commémoration ayant trait au général Paoli. Aussi, Elisabetta se demanda ce qui avait bien pu décider son père. Elle obtient sa réponse lors du repas du soir où toute la famille se réunit pour l'occasion.
- Comme le maire me l'a demandé, j'ai accepté de signer une trêve avec les Venazzi. Cela implique de notre part de participer à toutes les activités du village y compris le repas de demain soir.
La jeune fille fit un bond sur sa chaise :
- Papa,...nous n'allons quand même pas...manger aux côtés des Venazzi ?
- Non Lisa. Il y aura assez de tables pour nous permettre de nous tenir aussi loin que possible de tous les membres de leur clan. Et à ce propos Lisa, je te demande de ne pas chercher la provocation avec Leandru Venazzi.
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Cum' un cantu di liberta
Historical FictionLes Casaleccia et les Venazzi sont deux importantes familles du village de Merusaglia en Corse.Depuis plus de deux siècles, la vendetta fait partie de leur quotidien et les membres des deux clans se vouent une haine féroce. Depuis leur plus jeune â...