L'orage

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Jusqu'au milieu du mois de mars, Elisabetta fut confinée à la maison par ses frères et cantonnée aux tâches ménagères. Dans un premier temps, elle avait tenté de se rebeller mais l'état de santé de sa grand-mère, toujours plus préoccupant, l'avait incitée à se retenir.

La jeune fille ne comprenait pas le brusque changement d'attitude de ceux qu'elle avait toujours aimés et adorés et les paroles de Leandru lui revenaient sans cesse en tête.

Elle devait en avoir le cœur net : un matin, elle désobéit à Gabriel et elle profita d'un instant où il parlait avec animation avec sa grand-mère pour se rendre au village. Sans trop savoir que faire, Elisabetta se dirigea inconsciemment vers Stretta. Arrivée non loin du bar-tabac du village, elle s'arrêta en constatant qu'une imposante carriole était stationnée devant l'établissement.

Deux hommes déchargeaient de lourdes caisses en bois sous la surveillance de Charles et Pasquale Venazzi.

Ce dernier, en apercevant la jeune fille, se tourna vers son frère puis, sur un signe de tête de celui-ci, Pasquale s'avança vers Elisabetta.

- Elisabetta...quelle bonne surprise...il se trouve que je te cherchais.

- Vraiment ? Je croyais que vous ne parliez pas aux pauvres paysans ?

- J'ai une lettre pour toi. Tu n'es pas sans savoir que mon père possède un important domaine viticole à Ponte Leccia à présent. Et,...nous avons eu la désagréable surprise il y a quelques jours de voir plusieurs vaches au beau milieu de nos vignes, des vaches du troupeau que possède ta famille. J'ai fait constater les dégâts et comme tu le vois, cela représente beaucoup d'argent.

- Qui me dit que ces vaches sont réellement les nôtres ?

- Comme tu pourras le lire sur ce document Elisabetta, c'est le maire en personne qui a pu se rendre compte personnellement des dommages causés dans notre propriété. Tu sais, comme moi, qu'il ne prend parti pour personne. Mettrais-tu en doute sa parole ?

- Qu'est-ce que vous voulez ?

- Nous acceptons de ne pas vous réclamer d'argent. Mais en échange, nous voulons récupérer la maison où tu as installé illégalement ton atelier de tissage. Après quelques recherches nous avons découvert que cette maison appartenait à mon grand-père. Je pense que tu ne verras pas d'inconvénient à ce que nous récupérions notre bien. Leandru !

Elisabetta vit alors surgir du bar-tabac le plus jeune des Venazzi et ce dernier ne put cacher sa stupéfaction en la voyant. La colère de la jeune fille éclata lorsque Pasquale demanda à son petit frère d'aller expliquer, devant témoins, la manière dont sa famille voulait récupérer la maison où se trouvait l'atelier de tissage.

Elisabetta gratifia Leandru des pires insultes qui soient puis, sans s'en apercevoir, elle recula lentement vers la carriole et le cheval qui y était attaché. L'animal était agité : les cris de la jeune fille l'avaient apeuré et ses sabots raclaient nerveusement le sol.

Charles tentait de le calmer mais le cheval se mit alors à ruer, envoyant valser à terre une dizaine de caisses contenant des bouteilles de vin appartenant aux Venazzi.

Elisabetta évita de justesse la ruade de l'animal et elle profita de l'agitation pour s'enfuir dans la montagne.

Leandru, fou furieux, la regarda partir et il sut très vite où elle comptait se rendre lorsqu'il vit la direction qu'elle prenait avant de disparaître dans le maquis.

Le jeune homme, comme ses frères, fit un rapide calcul : le manque à gagner par le nombre de bouteilles de vin détruites était important. Cette petite furie ne lui avait même pas laissé le temps de s'expliquer. Et les insultes qu'elle lui avait lancées...

Cum' un cantu di libertaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant