Comme il s'y attendait, Leandru eut droit aux remontrances de son père quelques jours après le mariage. Posément, il expliqua qu'il n'avait pas eu le choix et qu'il ne voyait pas là une raison de s'emporter.
Antoine Venazzi dévisagea son fils interloqué puis ce dernier lui expliqua qu'il ne voulait plus être mêlé de près ou de loin au moindre conflit avec les Casaleccia.
- Leandru, c'est une question d'honneur !
- D'honneur ? Mais d'abord papa, si tu m'expliquais comment tout cela a commencé ? Pourquoi tant de haine ?
Charles était content d'apprendre la mort de Dumé. Crois-tu que toi, tu apprécierais si Gabriel ou François se moquait de notre famille s'il arrivait quelque chose à maman ?
- Les Casaleccia sont des gens infréquentables.
- Pourquoi ?
- Ils ont toujours essayé de voler nos terres, de mettre à mal nos entreprises, ils ont toujours essayé de nous faire passer pour de mauvaises personnes.
- Et nous ?
- Comment ça, nous ?
- Qu'avons-nous fait ?
- Nous nous sommes défendus face à cette racaille.
- En somme tu leur reproches simplement d'exister.
- Peux-tu me dire ce qu'il te passe par la tête Leandru ?
- Une jeune fille, enceinte de surcroît, est morte dans mes bras parce que je n'ai pas été capable de la protéger, un homme et une femme ont été tués sous mes yeux par les Allemands en laissant derrière eux un petit garçon de quatre ans et une petite fille de sept ans seuls. J'ai vu des corps de soldats réduits en charpie, j'ai vu des bras arrachés, des jambes coupées, alors tu vois,...toutes ces querelles, toutes ces disputes, je n'en veux plus.
Paul est mort. Il a donné sa vie pour la France, tu ne crois pas qu'il y a plus important à faire que de....de perdre notre temps à des futilités ?
Tu ne penses pas que nous pourrions cohabiter sans nous préoccuper de ce que font les Casaleccia ? Ne pourrait-on pas nous concentrer sur nos affaires ?
Antoine Venazzi, surpris par la soudaine sortie de son fils, ne dit rien et, prudemment, il questionna Leandru sur ses travaux à Ponte Leccia. Immédiatement le sourire revint sur le visage du jeune homme : il aimait son travail, il aimait apprendre et il se sentait totalement épanoui au milieu des vignes et de la nature.
Antoine et Leandru discutèrent plusieurs heures à propos des idées de ce dernier pour attirer de nouveaux clients puis, le doyen des Venazzi retourna à Merusaglia, satisfait des actions entreprises par son fils.
Au village, la vie suivait son court, paisiblement. La plupart des hommes partis au front étaient rentrés car ils avaient réussi à s'échapper en Angleterre et, tout comme les frères Casaleccia et Venazzi, ils avaient choisi de rentrer au pays.
Outre Paul Venazzi, trois autres habitants étaient décédés et deux autres avaient été fait prisonniers. Les familles endeuillées, et celles qui espéraient le retour des captifs rapidement, se soutenaient moralement et le maire de Merusaglia faisait tout son possible pour obtenir des informations à leur sujet.
Elisabetta, malgré le décès de son père, continuait à acheter le journal afin d'être tenue au courant des suites de la guerre. Elle apprit ainsi que le conflit semblait se concentrer sur l'Afrique mais, comme l'avait dit à juste titre son père, tant que l'Allemagne occupait une partie de la France, il ne fallait pas exclure la possibilité qu'un jour, leurs troupes débarquent en Corse.

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Cum' un cantu di liberta
Historical FictionLes Casaleccia et les Venazzi sont deux importantes familles du village de Merusaglia en Corse.Depuis plus de deux siècles, la vendetta fait partie de leur quotidien et les membres des deux clans se vouent une haine féroce. Depuis leur plus jeune â...