L'automne touchait à sa fin sur la Corse. Leandru et Elisabetta, malgrè le soutien discret de leurs grands-mères respectives, n'arrivaient pas à se voir bien souvent. Le jeune homme avait été occupé par les vendanges tandis qu'Elisabetta passait de plus en plus de temps à l'atelier de tissage. Avec un certain soulagement, la jeune fille n'avait pas vu son ventre s'arrondir et, comme Leandru le lui avait promis, ils n'avaient plus eu de relations intimes.
Lorsqu'ils arrivaient à se libérer de leurs tâches, ils se donnaient rendez-vous dans le maquis ou la forêt et ils parlaient de leur avenir commun.
Leandru envisageait de quitter la région si ses parents et ses frères n'admettaient pas sa relation avec Elisabetta. Il songeait à s'établir plus au sud mais en restant dans la montagne. Ayant grandi à Corti, il ne se voyait pas vivre en plaine au bord de la mer.
Elisabetta avait plus de mal à envisager cette solution car elle était très attachée à sa famille et elle avait peur de se retrouver dans un village inconnue toute seule.
Mais la jeune fille savait que Leandru avait raison : s'ils n'avaient pas la bénédiction de leurs familles, ils n'auraient pas d'autre solution.
Un jour, à la fin du mois de novembre et par un temps exceptionnellement doux, Leandru accompagna Elisabetta qui avait prévu de faire la cueillette de myrtes afin de préparer de nouvelles gelées, confitures et liqueurs à vendre.
Les jeunes gens étaient ravis de se retrouver car les moments qu'ils passaient ensemble devenaient de plus en plus rares et il était bien plus compliquer pour Elisabetta de se soustraire à la surveillance de ses frères.
Outre Martin Giacobi qui s'était ouvertement déclaré comme son prétendant, un autre garçon âgé de dix-neuf ans et demeurant au hameau de Rocca Soprana, était venu avec son père pour parler à Gabriel. Le jeune homme avait demandé l'autorisation de pouvoir fréquenter Elisabetta mais le frère aîné de la jeune fille avait refusé en indiquant qu'elle était trop jeune pour songer à se marier et que, de toute façon la famille était encore en deuil jusqu'au mois d'octobre 1943.
Naturellement, le prétendant éconduit avait fait remarquer à Gabriel qu'il n'était pas aussi inflexible avec les Giacobi et l'aîné des Casaleccia l'avait congédié d'un ton sec en lui demandant de ne plus s'approcher de sa sœur.
Elisabetta avait raconté l'incident à Leandru qui avait eu du mal à cacher sa colère. Le jeune homme supportait difficilement le fait que d'autres garçons s'intéressaient à celle qu'il aimait et surtout qu'il ne pouvait leur indiquer qu'elle était déjà engagée avec lui.
Après avoir marché pendant plus de deux heures, les pas d'Elisabetta et de Leandru les menèrent instinctivement vers la bergerie de Sempieru Casaleccia. Lorsqu'ils s'en rendirent compte, les deux jeunes gens se sourirent.
L'endroit était leur refuge : au beau milieu de la montagne, loin du village, ils pouvaient être eux-mêmes, parler et s'enlacer sans craindre d'être vus ou entendus.
Pour Elisabetta, chaque fois que Leandru et elle se retrouvaient à la bergerie, elle songeait toujours à ce jour où le jeune homme avait fait d'elle une femme. Elle n'osait pas le dire mais à présent qu'elle savait comment cela se passait, elle avait envie de renouveler l'expérience malgré sa crainte de tomber enceinte et elle ne savait pas comment le faire comprendre à Leandru.
De son côté, le jeune homme pensait lui-aussi très souvent à cette matinée où Elisabetta s'était donnée à lui. Il s'était senti gauche, maladroit et il voulait pouvoir recommencer en sachant qu'il n'aurait cette fois plus cette appréhension qui l'avait empêché de profiter pleinement de l'instant.
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Cum' un cantu di liberta
Historical FictionLes Casaleccia et les Venazzi sont deux importantes familles du village de Merusaglia en Corse.Depuis plus de deux siècles, la vendetta fait partie de leur quotidien et les membres des deux clans se vouent une haine féroce. Depuis leur plus jeune â...