0 | Dernière île

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UNDER WATER • PROLOGUE

PDV Jiu

« Aish foutus nœuds ! » pestai-je en tentant vainement de donner un air présentable à ma crinière rouge.

Je contemplais mon reflet dans le miroir de ma coiffeuse, sceptique.

Bon, ce n'était pas terrible mais ça passerait. De toute façon il était déjà bientôt vingt heures et je n'avais plus le temps de m'attarder sur mes cheveux. J'attrapai mon sac à dos et dévalai les escaliers à toute vitesse jusqu'au rez-de-chaussée.

Je rejoignis la cuisine où toute la famille avait l'air absorbée par la télévision. Je me plantai devant celle-ci sans trop me soucier de leur bloquer la vue pour attraper un paquet d'oréos dans le placard juste au dessus.

« Hem, toussota mon frère. T'es pas invisible.

– Ah ouais ? répondis-je en faignant l'ignorance. C'est dommage ça. Vous regardez quoi ?

Un reportage sur les habitants de la mer. Ils sont de plus en plus nombreux à partir vivre sous l'eau, m'informa mon paternel. »

Je ne pus m'empêcher de ricaner.

« N'importe quoi ces gens.

– Tu sais nous aussi on devra finir par les rejoindre un jour... Et puis arrête de te goinfrer, c'est bientôt l'heure du repas ! me signala Maman. »

Je roulai des yeux.

« C'est pas que pour moi, je passe la soirée avec les filles je vous l'avait dit hier. » Lui rappelai-je en fourrant le paquet d'oréos au fond de mon sac.

Papa soupira bruyamment.

« Encore avec ces filles ? Tu comptes rester avec ces gamines encore longtemps ?

– Laisse la Papa, Jiu aime bien traîner avec des collégiennes, se moqua l'abruti qui me servait de grand-frère.

– Je pense encore avoir le droit de choisir mes amies par moi-même, répliquai-je. Et puis Sua aussi est au lycée. »

Sur ce, je saluai ma mère : la seule personne dans cette maison à être encore un minimum sympa avec moi, puis quittait les lieux.

Je soupirai. Tout ça m'agaçait vraiment. Après tout je ne voyais pas en quoi ils se permettaient de juger mes fréquentations, est-ce que je jugeais les leurs moi ?

Enfin bon, j'essayais de penser à autre chose et continuais mon chemin parmi le labyrinthe de petites rues qu'était notre cité.

J'étais sensée rejoindre les filles à l'école de danse. Notre gentille professeur Madame Song avait accepté de nous prêter l'une des salles pour que l'on puisse y passer la nuit. Il y avait une représentation le week-end prochain alors nous devions profiter de ces quelques heures pour répéter. Enfin, c'est ce que j'espérais parce-que vu le comportement des filles je doutais que ça se passe vraiment comme ça.

Je décidai de couper en passant par le parc, car une fois de plus je n'étais pas en avance.

Je ralentis un peu la marche en passant entre deux parterres de roses à l'odeur envoûtante et m'arrêtais quelques secondes pour discuter avec un grand-père que je connaissais bien. Nous parlâmes de la pluie et du beau temps tandis qu'il nourissait une horde de petits oiseaux sautillants à droite et à gauche en espérant obtenir une miette de pain.

La nature est belle. Je ne pus m'empêcher de sourire en me faisant cette réflexion digne d'un philosophe.

Me dire qu'un jour je serais obligée de quitter la terre me fendais le cœur. Hélas je n'aurais pas vraiment le choix, la mer ne cessait d'avancer ces derniers temps et notre petite île était une des dernières du monde à ne pas encore avoir été submergée. Il n'y en aurait sûrement plus pour longtemps avant que nous aussi nous soyons condamnées à rejoindre les villes sous-marines dans les tréfonds de l'océan, notre seul moyen de survie.

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