Tome 1 - Chapitre 38

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C'est quand on apprend !

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Tristan

Je la regarde tendrement dormir, sa joue posée sur mon épaule comme elle aime tant le faire. Sa respiration régulière me berce et je ne me lasse pas de ce spectacle. Elle m'a dit oui, elle veut bien vivre avec moi. Je vais avoir la chance de m'endormir tous les soirs dans ses bras et de m'y réveiller chaque matin. Après toutes les galères que j'ai traversées, j'ai enfin trouvé le bonheur et la femme de ma vie. Car, oui j'en suis sûr, mon cœur ne battra que pour elle. Mon cœur l'a reconnue, marquée et imprégnée au plus profond de son organe et jamais plus, je ne ferais de conneries ou de choses qui pourraient la faire fuir. Je vais être l'homme le plus attentionné qu'il soit, pour que chaque jour, elle soit la femme la plus heureuse, qu'elle soit fière de moi, qu'elle n'ait plus jamais à douter de mon amour. Et même, si pour le moment, elle ne veut pas entendre parler de mariage, ce que je comprends et accepte. Je saurais être patient et je sais au plus profond de moi qu'un jour elle portera mon nom.

Orphélia Rousseau, ça sonne bien, je trouve !

Je passe ma main sur son corps endormi et sans m'en rendre compte je caresse son ventre. Ce ventre qui un jour portera peut-être mon enfant. Elle veut des enfants, je l'ai bien compris, elle fera une maman merveilleuse. Je n'ai aucun doute là-dessus mais je ne peux pas en dire autant sur moi. Enfin, jusqu'à cette nuit, je ne m'étais jamais posé la question. Parce que pour moi, ce n'était même pas envisageable. Mais ça, c'était avant que je la rencontre, que je la connaisse, avant que je ne tombe amoureux, avant que je comprenne qu'elle était la femme que j'attendais, celle que j'espérais, celle dont je rêvais sans savoir si un jour ce rêve deviendrait réalité. Elle était devenue mon essentiel, ma réalité, mon présent et mon futur. Alors, est-ce que je peux vraiment la rendre heureuse si je refuse d'avoir des enfants ? Elle a ça, en elle, elle les aime, ça se voit, ça se sent et les enfants ne se trompent pas. Les enfants ont ce sixième sens, celui qui leur permet de savoir si un adulte leur veut du bien ou du mal.

Mon sixième sens l'a su de suite que mes parents n'en seraient jamais pour moi. Il m'a tout de suite fait comprendre que je devais apprendre à grandir sans eux. À me débrouiller pour me construire sans eux. Pourtant moi je n'avais rien demandé, je n'avais rien fait pour venir au monde. Ce n'est pas moi qui avais oublié ma pilule et qui s'était aperçue bien trop tard qu'elle était enceinte. Trop tard pour me supprimer, trop tard pour effacer sa négligence, trop tard pour avorter. Alors elle avait fait avec. Elle avait fait comme si je n'existais pas. Comme si elle ne portait pas en elle une vie, innocente et sans défense. Elle avait continué de vivre, sans se préoccuper de mes besoins. Égoïstement et sans le moindre remord, elle avait continué de fumer, de boire avec mon paternel qui n'était pas en reste de ce côté-là lui non plus. Il ajoutait même à ce joli tableau quelques joints. Et ma sœur dans tout ça ? Ma sœur, elle, elle attendait que ma mère tombe d'épuisement ou d'ivresse pour venir me parler au travers de son ventre s'arrondissant tout de même au fil des mois. Elle venait me rassurer, me dire qu'elle m'aimait, elle me chantait les comptines qu'elle apprenait à l'école. Elle s'amusait avec sa main à suivre mes mouvements. Elle m'aimait déjà et pourtant elle ne m'avait jamais vu. Ma mère refusant de se faire suivre, pour ne pas subir le courroux du docteur qui ne l'aurait pas autorisée à me maltraiter comme elle le faisait en buvant et en fumant. C'est encore ma sœur qui avait prévenu les pompiers en trouvant ma mère allongée par terre en train de hurler après moi, car je lui déchirais les entrailles. Que je n'étais rien d'autre qu'un vampire qui aspirait toutes ses forces. J'étais né par césarienne, car elle refusait de pousser. Elle disait que je n'avais qu'à me débrouiller pour sortir tout seul. Devant son obstination et son manque de lucidité, la sage-femme n'avait pas voulu prendre de risque avec moi, car je souffrais. Ma vie n'avait pas encore commencé dans ce monde que déjà, son rejet était présent. J'étais né, le vingt-cinq octobre et j'avais dû être placé en couveuse vu mon petit poids. J'étais resté là, tout seul, ma mère refusant de me voir, de me toucher, de m'alimenter comme elle l'avait fait pendant toute sa grossesse. Elle était repartie chez elle au bout d'une semaine, sans moi. La seule à venir me voir était ma sœur, elle tannait mon père tous les mercredis et dimanches pour qu'il l'amène. Elle me touchait, me portait dans ses petits bras, me donnait le biberon devant mon père qui restait stoïque, adossé au mur et sous la surveillance bienveillante du personnel soignant. Elle chantait toujours pour moi et je la regardais sans jamais la quitter des yeux. Je savais qu'elle m'aimait, je le sentais et ce sentiment a perduré pendant toutes ces années. Ces années où elle a été ce qui s'approche le plus d'une maman. Je n'avais pas besoin de leur amour ou de leur attention, vu que je l'avais elle. Jusqu'au jour où elle aussi, m'a abandonné. Ce jour, où mes parents l'ont rejetée à son tour. Le jour de mes quatorze ans. Le jour où elle m'avait offert ma moto. Enfin, elle n'avait de moto que le nom. Mais je m'en foutais, j'étais heureux, car ma sœur m'avait offert mon rêve. J'avais passé tout mon temps libre à la remonter, à la retaper, à la bichonner et maintenant elle gisait carbonisée au fond du lac. Je ne sens pas mes larmes couler, je vois que la femme de ma vie est réveillée et qu'elle pleure elle aussi.

C'est Quand On S'aime | TerminéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant