b r o k e n

t h i r t y - s e v e n

C'est l'histoire d'une société qui tombe, qui part en lambeaux. Tout le monde se voile la face en cachant ses problèmes par d'autres. Une jeune fille s'est suicidée? C'est pas bien grave à côté de la pollution. Une personne se fait harcelée à cause de son poids? Ce n'est pas dans l'ordre des priorités, il y'a des enfants qui meurent de faim en Afrique. Ce que je veux dire, c'est que les gens couvrent un problème par un autre, qui à leurs yeux, paraît plus grave que le précédent. Plus grave aux yeux de qui finalement? Vous? Moi? Personne ne sait vraiment. Mais il y' a une chose dont je suis sûre, à force de cacher tout ça, ça va imploser.

Quand ça se produira, ne vous demandez pas pourquoi votre enfant devient de plus en plus distant et exécrable avec vous. Mais au fond, qu'est-ce que j'en sais? Je ne suis qu'une pauvre gamine qui ne sait plus où elle en est dans sa vie. La seule différence entre vous et moi c'est que j'ai goûté à la cruauté des autres. Mais après tout, le malheur des uns fait le bonheur des autres. Si vous croyiez que j'étais forte et que j'arrivais à tout encaisser vous vous trompiez lourdement. Sachez que vos actes ont des conséquences. Une simple "blague" peut gâcher la vie d'une personne. 

Remémorons-nous quelques épisodes... J'étais chez la psy scolaire comme chaque semaine. Elle a commencé à me parler avec le bonjour habituel auquel j'avais droit chaque fois que j'allais chez elle. 

-De quoi veux-tu que nous parlions aujourd'hui? me demanda-t-elle

J'hésitai à lui parler de ce sujet. Je n'avais jamais parlé de mon viol à voix haute. Rien que de revoir le visage de mon agresseur à l'intérieur de ma tête me donnait la boule au ventre. 

-J'aimerais parler du passé... De mon passé. lui répondis-je

Elle hocha la tête et écrivit quelque chose sur sa feuille. J'avais arrêté de demander à la lire parce que je savais très bien qu'à chaque fois ce qu'il y' aurait marqué dessus ne serait qu'un mensonge.

-Continue donc. Je suis sûre que parler te fera du bien. m'encouragea la psy

-C'est à propos d'un garçon... Il m'a... fait du mal en quelque sorte... commençai-je

-Quand tu dis qu'il t'a fait du mal, tu veux dire physiquement ou mentalement? voulut-elle savoir

-Je sais pas vraiment... Un peu des deux j'imagine.

Elle continua à noter de plus belle.

-Qu'est-ce que ce garçon t'a fait exactement? 

J'ai hésité. Parce que je savais que si ses paroles traversaient ma bouche, je ne pourrais plus revenir en arrière. C'est pour ça que je devais choisir mes mots très soigneusement. 

-Il a... abusé de moi. Physiquement je veux dire. Il a vu que j'étais sans défense alors il a profité de moi. expliquai-je

A peine les mots sont-ils sortis de ma bouche que je regrettais déjà de les avoir prononcés. Mais il etait désormais trop tard pour revenir en arrière. Alors j'ai attendu sa réponse. J'avais eu l'impression qu'il s'était écoulé 1 heure entre le moment où j'ai parlé et le moment où elle a donné sa réponse. En réalité, entre ces deux instants il ne s'était écoulé que 30 secondes au maximum.

-A mon avis, s'il a fait cela c'est parce que tu l'as provoqué. Rien n'arrive jamais sans raison. Peut être que tu lui as donné envie de passer à l'action de part des vêtements provoquants ou même en restant à des heures tardives dehors seule. m'a t-elle répondu

J'ai pris mon sac et je me suis levée. Sentant que les larmes s'apprêteraient bientôt à couler de mes yeux. Parce qu'au fond je savais qu'il y'avait une part de vérité dans ce qu'elle m'a dit. Si je n'étais jamais par cette ruelle ce soir-là rien de tout ça ne se saurait produit. Effet papillon. 

Je suis sortie du collège en direction de mon arrêt de bus. J'ai jeté un coup d'oeil vers la droite là où il s'est passé ce qu'il s'est passé. J'avais essayé de retenir les larmes mais c'était plus fort que moi. J'ai fondu en larmes et j'ai baissé la tête en marchant très vite pour que personne ne puisse me voir dans cet état. Au final, tout ça c'était de ma faute.