Encore ce rêve.
Il revenait, chaque nuit, envahir mon subconscient et me faire transpirer comme un bœuf. Me faire peur. Hanter mes nuits. Comme je savais d'avance que je n'allais pas me rendormir de sitôt, je me levai et pris une bouteille d'eau dans le frigo (même si je n'en avais pas franchement besoin). Je la bus goulûment. Je n'avais pas soif, je voulais juste sentir le liquide frais couler au fond de ma gorge.
J'avais faim, surtout. Trois jours sans manger. C'était supportable, mais j'avais quand même le ventre vide. Je m'étais pourtant interdit de chasser, mais ma nature et mes pulsions allaient me rattraper. Tôt ou tard.
Les autres disaient que j'étais anormale, à cause de mon "trop grand humanisme". Que j'étais trop "humaine".
J'ignorais leurs remarques. Je n'étais plus humaine, quoi qu'ils en pensaient. J'étais comme j'étais. C'est tout. J'avais d'autres amis qui étaient comme eux, que j'avais perdu de vue depuis longtemps, mais qui réussissaient à m'accepter. J'ai préféré m'intégrer à la société humaine, comme la plupart de mes confrères. Je ne voulais pas que ma vie se résume à chasser et à boire le sang d’innocents.
Je me sentais très seule, chez moi. Je ne voulais pas prendre d'animal de compagnie, j'avais peur qu'il disparaisse à la moindre fringale… Si vous voyez ce que je veux dire. Quand mes pulsions sanguinaires et meurtrières ne me prenaient pas, je mangeais du steak (saignant, bien sûr), des tomates et des fruits rouges. J’ai essayé les yaourts, mais je me suis vite aperçue que je ne pouvais pas le digérer. Déjà, je m’étais fait violence pour l’avaler.
Le seul point positif, c’est que j’avais une peau d’ange, lisse, sans aucun de ces petits boutons rouges qui nous défiguraient, nous, les adolescents. Je n’étais pas plus pâle que ça, d’ailleurs. Je n’étais pas aussi livide que je ne l’aurait cru. Mais ma nouvelle teinte de peau contrastait beaucoup avec ma couleur de cheveux.
J’allais au lycée, puisque je m’étais fait une place chez les humains. Mais, à la différence des autres élèves, je vivais seule. Sans parents ni tuteur. J’avais toujours prétexté que j’avais été émancipée, ce qui, dans un sens, n’était pas faux. De plus, j'avais été invitée à la fête d'une fille qui s'appelait Ella, de qui j'étais proche, et j'avais accepté l'invitation pour lui faire plaisir, même si je n'étais pas, mais alors, pas du tout emballée. C’était un évènement comme un autre, point.
Ne sachant que faire, je m’habillais et sortis de mon immeuble. Il faisait froid, mais ça ne m’atteignais pas vraiment, vu que ma température corporelle était plus froide qu’un glaçon. Je serrais ma veste de cuir, attachait les boutons à pression autour de ma gorge. Je me baladais. Rien n’était ouvert, excepté quelques boîtes de nuit que je rencontrais sur ma route. En même temps, à trois heures du matin, ce n’était pas étonnant. L’éclairage des diverses enseignes projetait différentes lueurs sur ma tignasse bouclée : tantôt rouges, tantôt bleues, tantôt vertes, tantôt jaunes… Et puis je voyais mon reflet dans les vitrines grillagées. Certains jours, je me demandais réellement qui j’étais, qui était la fille aux longs cheveux roux incendiaire et aux yeux marron clair qui renvoyait mon image physique dans chaque surface réfléchissante. Je ne paraissais pas aussi parfaite, avant tout cela. Mais le passé était le passé, et j'avais fait une croix dessus depuis bien longtemps.
Je passais mes doigts dans ma frange pour l’arranger un peu, jusqu’à rentrer dans une femme titubante.
- Yeeeeah ! hurlait-elle.
Et vu son odeur pestilentielle, elle était ivre.
Elle s’éloignait dans une ruelle sombre, ne sachant apparemment pas où elle allait. L’occasion était trop belle pour la laisser passer. Mes pulsions reprirent.
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Pulsions
RomanceSix mois. Vingt-quatre semaines. Six mois que j'ai fui, vingt-quatre semaines que je suis loin de mon ancien chez moi. Six mois que je les ai abandonnés, laissés seuls là -bas. Vingt-quatre semaines que le sort de mon âme s'est scellé. Six mois. Vin...