Vingt-deux

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   J'essayai de rester calme, être maîtresse de moi-même avant que l'incompréhension ne prenne le dessus. Je me retirai lentement, et léchai le sang qui couvrait mes lèvres avec délectation. Des fourmillements parcoururent mon épiderme et un frisson m'enveloppa toute entière. Je restai dans ma position, et commençai à exercer une pression toujours plus puissante sur son poignet, et lui dis à l'oreille :

   - Issu de quelles espèces ?

   - À quoi ça t'avancerait ?

   - Réponds.

   - Sinon quoi ?

   Un craquement sinistre se propagea de son poignet à mon oreille. Un énième gémissement de douleur naquit du fin fond de sa gorge, et un sourire releva les commissures de mes lèvres d'un plaisir malsain que je regrettai aussitôt.

   - Sinon, je te brise la nuque comme j'ai brisé ton poignet. Et crois-moi, ce n'est ni l'envie, ni les raisons qui m'en manquent.

   Sa respiration s'accéléra, et ses paroles parurent presque lointaines quand il m'avoua enfin ce que je voulais savoir :

   - Vampire et sorcière.

   Je reliai les éléments un à un, et tout devint clair ; sa force et sa vitesse surhumaine, de ses origines vampiriques, et sa capacité à concentrer d'importantes sources magiques, de par ses gènes sorciers… Et son aura si étrange. Mais bien sûr. Tout devenait si simple, quand on savait la vérité.

   Oui, mais il n'y que la vérité qui blesse.

   Aussi.

   Je le relâchai d'un coup sec, et il tomba au sol dans un grand bruit. Son visage était rouge, et je voyais l'une des veines de sa mâchoire palpiter à toute vitesse. De la sueur luisait sur son front ; dans son cou, les deux fines marques de mes canines devenaient de plus en plus sanguinolentes. Je passai mon doigt sur les deux marques, et léchai encore son sang si délicieux et empreint de puissante magie. Le sang cessa de s'écouler lentement.

   Je le laissai là, après lui avoir glissé une dernière phrase :

   - Disparais de cette ville et de ma vie.

   Je m'étais lavée le visage, bariolé de sang, bien plus sombre que du sang humain. Dépourvu d'hémoglobine, déchargé d'oxygène. Mais le plus grave, c'était que la culpabilité m'avait progressivement rongée. Elle gonflait, encore et encore, jusqu'à ce que mon cœur déborde. Non pas pour ce que j'avais fait à Liam ; mais pour la façon dont j'avais agi. Je me demandais comment j'en étais arrivée à être aussi cruelle et menaçante avec quelqu'un. Je l'avais littéralement torturé. Alors un seul mot résonnait dans ma tête :

   Monstre.

   Monstre.

   Monstre.

   Encore et encore, incessamment, sans relâche et sans cesse.

   Gabriel rentra tôt. Depuis que nous nous étions rencontrés, il sortait très souvent, sans me dire où. Je ne m'étais jamais posé la question – et l'idée qu'il me trompe ne m'avait même pas effleuré l'esprit, il n'y avait qu'à voir les derniers évènements – mais depuis mon intrusion dans sa correspondance avec sa mère, bien que je me sentais mal, je devinais qu'il allait voir sa mère. Seul, dans ce cimetière désert et plus mort qu'une âme ayant quitté le corps où elle résidait.

   Quand il vint s'asseoir à côté de moi et me prit la main, cette culpabilité toujours plus envahissante explosa. Les larmes se déversèrent sur mes joues. Un torrent limpide et clair inondait mon visage. Sans comprendre ce qu'il se passait, il me serra contre lui, ne desserrant son étreinte à aucun moment. Il n'essaya pas de comprendre pourquoi de tels sanglots me secouaient.

PulsionsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant