Six

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   Noël. Pas de sapin, trois cadeaux achetés à bas prix. Le plus beau de toute ma vie. À trois heures du matin, j'ouvrais mes cadeaux, que j'avais emballés la veille. Deux euros de papier cadeau dépensés pour rien. Mais d'un côté, j'ai envoyé des petits cadeaux de rien du tout, à Gabriel et à Amber. Puis, bizarrement, au père de Gabriel. Je ne sais pas pourquoi. J'ai eu un élan de compassion soudain je ne sais plus quand, et je lui ai envoyé son cadeau en même temps que celui de son fils. Encore mon grand "humanisme" qui ressort.

   J'enrageais au fond de moi-même. J'étais humaine et en même temps contre-nature. Je n'étais même pas entière. J'avais l'impression d'avoir perdu le contrôle de moi-même, le contrôle de mon corps, ma raison, mes sentiments. Mon cœur.

   J'ouvrais mes cadeaux, et je redécouvrais ce que je m'étais acheté : une guirlande lumineuse avec des roses blanches, du vernis chocolat et de l'huile de monoï qui sentait le produit chimique à plein nez. Je m'habillais d'une robe beige, mis mon vernis chocolat et ramenai mes cheveux en une épaisse tresse africaine, que je laissais tomber sur mon épaule. Je mis du crayon sous mes yeux, et du mascara, recouvrait mes lèvres de gloss rose poudré. J'enfilais des escarpins en cuir.

   Joyeux Noël, Carter.

   Je restais dans cette tenue, depuis trois heures du matin, même si je mourrais d'envie de tout enlever et de tout jeter à la poubelle. Je m'ennuyais fermement. Je marchais, fumais, marchais, fumais… J'en étais bientôt à un paquet de cigarettes entier. Et une multitude d'ampoules à force d'être perchée sur des talons pareils.

   Peu avant midi, vers onze heures, on sonna. C'était Gabriel. Il s'apprêtait à me saluer quand ses yeux doublèrent de volume à ma vue.

   - Carter… Tu es… Magnifique. Et encore, le mot est faible.

   J'essayais de sourire et y parvins avec un peu de mal.

   - Joyeux Noël.

   - Joyeux Noël.

   Il m'embrassa doucement. Je le lui rendis. Et je me mis à pleurer, doucement, avec de minuscules gouttes d'eau qui s'échappaient du coin de mes yeux. Peut-être étaient-elles de joie, enfin, j'espérais que ce soit ça. Il me serrait contre lui avec force et affection, comme s'il avait peur que je m'en aille.

   - Pardon… réussis-je à glisser.

   Il me regarda dans les yeux, un sourire en coin.

   - Pourquoi "pardon" ?

   - Parce que je te fais souffrir.

   Il caressa mes cheveux.

   - Tu es la seule chose qui adoucit l'amertume de mon cœur.

   - Alors je compte tant que ça pour toi ?

   Il dévia le regard.

   - Pourquoi tu pleures ?

   - "Tu es la seule chose qui adoucit l'amertume de mon cœur".

   Nous rîmes. Deux secondes seulement.

   - Comment va ton père ?

   - Il dort. J'en ai profité pour venir te voir en toute sérénité. Il ne risque pas de se réveiller tout de suite. Et il te remercie d'avance pour le cadeau que tu lui as offert.

   - De rien.

   Il garda le silence.

   - Merci pour ton petit cadeau. Je ne l'ai pas encore ouvert, mais ça ne saurait tarder.

PulsionsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant