Plus un mot ne fusait depuis plusieurs jours dans l'appartement. Gabriel m'emmurait dans le silence. Il ne me parlait plus. La dernière fois que je l'ai touché, c'était pour lui bander ses poings. Ceux-ci étaient fracassés de partout. Je n'entendais plus sa voix, pas même un gémissement ou un bruit sourd provenant de sa gorge. C'était juste une vraie torture.
Le soir, je le regardais de loin écrire. Il griffonnait doucement au début, mais son écriture devenait de plus en plus énergique, de plus en plus rapide au fil de ses écrits. Ses traits se déformaient légèrement. Je savais que la blessure était encore vive.
Au début, j'avais essayé de lui parler, mais je n'obtenais de lui que le silence, encore et encore. Dans le meilleur des cas, j'avais le droit à un regard. Il savait pertinemment que je l'observais. Je ne pouvais m'en empêcher. Quand il n'était pas dans les parages, je faisais du ménage dans mon cœur. Mais il y avait certaines choses que je n'arrivais pas à dépêtrer les unes des autres. Dans tout ce grand bazar, je ne cherchais qu'une chose : la nature de mes sentiments pour Gabriel. L'aimais-je, moi aussi ?
J’étais surtout enragée contre Peter. Il a tout détruit pour s’imposer – de force, cela va sans dire – et il a anéanti la seule chose à laquelle je tenais le plus après ma famille : Gabriel. J’avais son nom sur le bout de la langue. Je n’allais plus au lycée. Bien que je ne sois pas obligée d’y aller, celui-ci avait téléphoné pour prendre des nouvelles, et demander une photocopie de mon je-ne-sais-pas-quoi d’émancipation. Je leur ai carrément apporté le document même. Cela avait impliqué de retourner au lycée.
Et, alors que je longeais les couloirs, je croisais Gabriel, avec Ryan, Quentin, Ty, Alix et Nolan. Il me jeta un regard furtif, qui n’échappa pas à ses amis. Ils tournèrent tous la tête vers moi. Je le vis, et je m’efforçais de ne pas les regarder et de continuer mon chemin. J’avais l’impression que ces regards m’oppressaient, qu’ils pesaient sur moi. J’entendis des murmures s’élever derrière moi. Cela devint encore plus opprimant.
Comme par hasard, je croisais quelqu’un qu’il me semblait n’avoir pas vu depuis des lustres.
Dylan.
Je l’avais complètement oublié, celui-là, et je n’étais pas du tout enchantée qu’il vienne vers moi avec une démarche nonchalante et assurée.
- Alors, jolie rousse, ça faisait longtemps que je ne t’avais pas vu…
- En effet.
Il croisa les bras et s’approcha encore plus près de moi.
- Je ne t’ai pas oublié, tu sais, dit-il.
- C’est étrange, moi si.
Il sourit.
- Tu es encore plus irrésistible quand tu es en colère.
- Tes commentaires à la con, tu peux te les garder, sale pervers. Va te taper une pute au lieu de m’attendre. (Je le repoussai) Maintenant, dégage le passage.
Toujours aussi faible. Il se laissa faire, et ses amis se moquèrent de lui, ce qui me fit doucement sourire. Mais ce sourire s’évanouit aussitôt. Avec tout le mal que j’avais causé aux autres, je ne pouvais pas me permettre d’être heureuse, ne serait-ce de rire ou de sourire. Je donnais le papier d’administration à la secrétaire. Elle me pria de l’attendre le temps qu’elle en fasse une photocopie. Elle ne remarquera jamais que c’est un faux, pensai-je.
J’attendis dans le couloir qui séparait les deux rangées de bureaux. Je triturais du bout de mon pied la moquette grise parsemée de points violets et bleu électrique. J’entendis des pas se diriger vers ce même couloir. Je levai la tête, et je vis Peter, cloué sur place en me voyant.
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Pulsions
RomanceSix mois. Vingt-quatre semaines. Six mois que j'ai fui, vingt-quatre semaines que je suis loin de mon ancien chez moi. Six mois que je les ai abandonnés, laissés seuls là -bas. Vingt-quatre semaines que le sort de mon âme s'est scellé. Six mois. Vin...