Carter
Gabriel
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La journée du lendemain fut très longue. Pour la énième fois, je n’étais pas allée au lycée. Je m’en sentais incapable, et j’avais passé le plus clair de mon temps à boire du café et à me creuser les méninges pour trouver quelque chose pour me venger de Peter. J’étais surtout hantée par ce qui s’était passé cette nuit… Je n’étais même pas sûre que ce soit réel. Pourtant, c’était juste… Merveilleux. Merveilleux de le sentir à nouveau, de redécouvrir la texture de sa peau, son parfum, son souffle, ses yeux… Même si cela n’avait pas duré longtemps. Alix était partie au lycée, évidemment. J’espérais qu’elle en apprenne un peu plus, pour qu’on se fixe un plan d’attaque. Dit comme ça, ça ressemblait à de la stratégie guerrière, mais nous avions toutes les deux une bonne raison de lui faire comprendre qu’il avait sacrément dérapé.
En fin d’après-midi, vers dix-sept heures, on frappa. Gabriel n’était pas encore rentré, et la porte n’était pas fermée à clé. Je découvris, avec étonnement, Quentin.
- Gabriel est là ?
- Non, pas encore.
J’allais refermer la porte, mais il mit son pied pour bloquer la porte.
- C’est toi que je voulais voir. Ça te dérange qu’on aille marcher un peu ?
- Non, pas du tout.
Etant en chemise ouverte bleue et débardeur noir, je pris ma veste en cuir, et l’accompagnai dehors. Il n’avait pas son sac de cours avec lui. Nous marchions à travers Paris, tranquillement, côte à côte.
- Je voulais qu’on parle un peu, seul à seul. C’est la situation du groupe qui m’inquiète. C’est extrêmement tendu, en ce moment. Gabriel ne prononce plus un mot, je ne sais pas s’il te fait pareil chez vous, et Peter commence à perdre le contrôle de lui-même. C’en est effrayant.
- Je savais, pour Gabriel. On s’est vu, avec Alix, hier. Et Peter… Je ne veux même plus en entendre parler.
- Le contraire m’aurait étonné. Mais je ne comprends pas pourquoi…
- Je ne le sais pas non plus, et je déteste me rappeler ce moment-là, le coupai-je, sachant ce qu’il allait citer.
- Bon, bref. C’est surtout pour Gabriel que je me fais du souci. Et Peter et moi, on a beaucoup parlé, aujourd’hui… Je sais que je lui ai donné ma parole, mais…
Il installa le silence, comme s’il butait sur les mots qu’il allait dire. Il s’arrêta et me regarda franchement, dans les yeux, la sincérité évidente dans la voix :
- Peter m’a dit que s’il t’avait embrassée, ce n’était pas entièrement parce qu’il était saoul. En fait, il était attiré par toi. C’est sûr que tu es très belle – je le dis en tant qu’ami, rassures-toi – et ça ne m’étonne pas que Peter ait eu des sentiments pour toi. Tu étais son genre de fille. Ecoutes, Peter et moi, on se connait depuis très longtemps. Crois-moi, on tient beaucoup l’un à l’autre. C’est mon frère, en quelque sorte. Il s’était fait des idées. En fait, il a cru qu’il te plaisait, et il s’était mis en tête que vous étiez amoureux, que vous entreteniez des sentiments l’un pour l’autre. En fait, tu étais attachée à lui, c’était un ami proche, je le remarquais. Cela n’a fait qu’augmenter ses espoirs, parce que vous étiez plutôt complices… Et, le jour où ça s’est produit, Gabriel allait arriver en retard, et il s’est dit que c’était le bon moment pour laisser éclater votre prétendu amour. Et toi… Tu lui as rendu son baiser. Mais tu ne l’as rejeté qu’après, quand Gabriel est arrivé… Après, on connaît la suite. Mais franchement, Carter, je trouve qu’il a été brutal. Il a voulu s’imposer parce qu’il était trop sûr de lui. Et maintenant… Gabriel et toi souffrez tout les deux. Peter a tout détruit, c’est sûr. En un sens, tu as trahi Gabriel contre ton gré. Et moi, ça me fait beaucoup de peine.
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Pulsions
RomanceSix mois. Vingt-quatre semaines. Six mois que j'ai fui, vingt-quatre semaines que je suis loin de mon ancien chez moi. Six mois que je les ai abandonnés, laissés seuls là -bas. Vingt-quatre semaines que le sort de mon âme s'est scellé. Six mois. Vin...