Pulsions

Douze

   Alix m'offrit gentiment une tasse de café. Elle s'en prit une aussi, et on s'assit dans le salon, sur le canapé.

   Je m'étais relativement calmée. Sauf que j'étais encore anéantie, l'image s'imprimant violemment derrière mes paupières. Je l'avais perdu. Pour toujours. À tout jamais. J'étais morte. Je me demandais ce que je faisais encore sur cette terre. J'ai été trahie, mais comme lui l'avait été, après tout. Je méritais sûrement cette punition douloureuse et digne de l'apocalypse de mes sentiments. Tout ce que je croyais solide s'effondrait sous mes yeux, ses cendres me fouettant brutalement le visage. Mais que se passait-il ? Je ne comprenais plus rien. Un grand vide se formait dans ma tête, et que j'articulais des phrases cohérentes relevait du miracle. Il y a deux semaines, à peine, il m'a dit qu'il m'aimait. Et maintenant ? Considérait-il Amber comme lot de consolation ? Ou alors m'a-t-il oublié, définitivement, et que son cœur battait maintenant pour elle ? Je préférais ne pas envisager la deuxième option, bien que se soit la plus probable. J'allais mourir, j'en étais sûre. Comment allais-je continuer à vivre avec leur image de couple sous le nez ? Non, c'était juste impossible.

   - Je suis sincèrement désolée, Carter.

   Alix avait reposé sa tête sur mon épaule. Nous semblions regarder un point fixe, invisible. Ce geste me rappela Gabriel, quand j'avais posé ma tête sur sa propre épaule et que nous avions entrelacés nos doigts… Non, je ne devais plus penser à ça, même si cela m'était tout bonnement impossible. C'était trop éprouvant de pouvoir contrôler ses pensées, de penser à autre chose alors qu'une autre nous obsède littéralement.

   - Je souffre autant que toi, tu sais, souffla-t-elle. Ty ne me touche plus. Il refuse de m'embrasser. Il ne me dit plus les petits mots d'amour qu'il me disait avant. Je pense qu'il fait cela pour ne pas faire plus de mal à Gabriel – c'est quand même l'un de ses meilleurs amis – mais moi j'en souffre. J'ai peur de le perdre. J'ai peur que tout explose et s'effondre, comme avec toi et Gabriel. J'ai peur…

   Elle pleura doucement, à son tour. Je passais un bras autour de ses épaules et lui tendis mon mouchoir. Elle l'accepta et retira ses larmes d'un revers de la main.

   - De toute façon, j'ai puni Gabriel à sa juste valeur…

   Je me raidis brutalement.

   - Tu l'as… puni ?

   - Oui. Carter, j'ai voulu te dire une chose, depuis le début, mais je n'ai trouvé le courage qu'aujourd'hui…

   Tout mon corps se crispa, redoutant le pire.

   - Je suis une sorcière, Carter.

   Cette fois, je me dégageai et considérait Alix.

   - Pardon ?

   Elle se leva, les yeux au sol.

   - Je m'en veux de ne pas te l'avoir dit plus tôt…

   - Oh ça, tu peux !

   Elle se tenait face à moi, la mine déconfite.

   - J'avais peur de ta réaction… Je sais qui tu es, Carter. Je sais que tu es un vampire transformé.

   À ces mots, je frémis. Vampire transformé.

   - Je…

   Les mots me manquaient. Alix était une sorcière. Qui dit sorcière dit magie, et qui dit magie dit sort… Non !

   - C'est toi qui m'as jeté ce sort ! réalisai-je soudain.

   Je fis le rapprochement. Certaines choses camouflées par le voile du secret venaient d'être dégagées. C'était donc elle qui m'avait jeté ce sort. Elle a voulu ma mort… Mais la voulait-elle encore ? Et si tout ceci n'était qu'une mascarade pour m'attirer dans un piège pour m'éliminer pour de bon ?