Chapitre 11 :

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Jesse pressa le pas pour ne pas se laisser distancer par Catherina, dont la démarche énergique le fatiguait au plus haut point. Il ne la trouvait pas très compréhensive : il venait de se faire planter un couteau dans le ventre par un SDF un peu trop alcoolisé et tout ce que sa camarade avait trouvé à lui dire, c'était « on va pas rester là, c'est trop proche de l'accident et en plus ça ne servirait à rien. Tu auras toujours aussi mal. Alors autant bouger ». Ce à quoi il avait répondu... Non, il n'avait rien répondu.

La jeune fille semblait vaguement mal à l'aise, comme préoccupée ou gênée. Toutefois, il n'en comprenait pas la raison. Il avait hésité à lui demander, mais le regard absent de la blonde l'en avait dissuadé. Il se souvenait de sa réaction violente du matin, lorsqu'il avait tenté d'en savoir plus sur les hommes qui la poursuivait. Elle s'était enfuie sans même lui lancer un regard. Heureusement malgré tout qu'elle s'était trouvée là au bon moment lorsque ce sans-abris ivre mort l'avait poignardé.

Catherina était une fille pleine de mystère, c'était indéniable. Un charme incroyable et pourtant naturel se dégageait d'elle. Elle était envoûtante, magnétique. Son regard si souvent absent ou empreint d'une tristesse qu'il ne comprenait pas lui faisait tourner la tête tant il était beau. Jesse aurait aimé en savoir plus sur elle. Savoir ce qu'il s'était réellement passé de si terrible dans sa vie pour laisser une jeune fille si belle ainsi détruite. Car il sentait qu'elle ne lui avait dit qu'une infime partie de son histoire. Cela ne le dérangeait pas plus que ça, seulement il aurait aimé pouvoir lui apporter son aide. Et il ne pouvait le faire sans savoir ce qu'elle avait enduré. Mais c'était sans doute trop tôt pour ouvrir les plaies du passé, qui selon lui, ne cicatrisaient jamais totalement. Elle comme lui, ils n'étaient pas prêts à se livrer en toute sincérité.

Le reste de la journée était passé si lentement que Jesse avait cru que jamais le soleil ne descendrait dans le ciel. Aux alentours de 19h, l'air s'était rafraîchi et les nuages commençaient à prendre leurs marques. Et toute la journée, un silence pesant et embarrassant les séparait. Jesse aurait voulu le briser mais une petite voix lui criait de ne rien dire. Contre toute attente, ce fut Catherina qui s'en chargea.

-La nuit va bientôt tomber. On ferait mieux de trouver un hôtel ou un immeuble désaffecté pour dormir.

-Tu sais où nous sommes exactement ? interrogea le jeune homme.

Catherina regarda autour d'elle, comme si elle découvrait qu'elle était dehors. Elle haussa les épaules.

-On est à Paris, répondit-elle simplement avant de presser le pas pour s'éloigner.

-Ouais, ça tombe sous le sens. Merci j'étais pas au courant... grommela Jesse en la rattrapant.


..


Catherina se laissa lourdement tomber sur le matelas abîmé d'un vieil entrepôt désaffecté et investi par des squatteurs en tout genre. Après quelques minutes de négociations, elle les avait convaincus de les laisser dormir ici, Jesse et elle. Ils leur avaient filé une pièce avec quelques matelas déjà installés. Trois autres personnes étaient là, dans leur coin. Seringues et bouteilles à la main, Jesse s'était senti très mal à l'aise en déposant son sac à dos sur l'un des lits sommaires. Il se jura de ne surtout pas abandonner son sac plus d'une dizaine de secondes, préférant éviter que ces camés ne le lui volent en imaginant trouver de l'argent en masse ou de la drogue.

Sa camarade ne semblait cependant pas être gênée par la présence on ne peut plus perturbante de trois drogués au bout de la pièce, les fixant avec insistance. Elle était même aller les saluer avec entrain pendant que lui restait soigneusement à l'écart. Cette fille ne cessait de l'étonner. Elle faisait face à n'importe quelle situation avec le plus grand calme. Elle était poursuivie par des fous furieux qui lui en voulait pour des raisons obscures, ses parents étaient morts, elle avait fui son pays qui était maintenant étrangement à feu et à sang, elle avait accepté de l'aider dans son projet de vengeance, tout du moins de l'accompagner, l'avait sauvé d'un SDF virulent, avait négocier un endroit relativement chaud et en sécurité pour dormir, et faisait actuellement la conversation avec trois drogués. Tout ça sans jamais donner l'impression d'être dépassée ou terrifiée. A ce niveau-là, ce n'était même plus du calme ou du sang-froid : c'était carrément une faculté surnaturelle, il n'y avait que ça.

Demonic Game [Tome 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant