Dimitri
Des heures que j'attends que Henri Keller ne sorte de cet immeuble. On approche des 22h00 et personne n'est encore parti hormis la secrétaire et deux ou trois autres personnes. En fait, maintenant que j'y pense, je trouve ça étrange.
- Dan ? Tu sais s'il y a une sortie de l'autre côté ? demandé-je soudainement.
- Oh merde ! Tu crois qu'il s'est barré ? questionne mon ami.
- Curvă ! Dar ce prost ! Rahat ! crache Nikko en cognant dans le panneau face à lui.
- Oh calme-toi ! dis-je agacé. En plus je ne comprends rien !
- Comment tu veux que je me calme ? Ça fait des heures qu'on attend là pour rien alors que Lila est avec l'autre con ! Il est passé où ton plan parfait monsieur le détective ?!
- Hé lâche-moi okay ! Moi aussi j'ai les boules, dis-je énervé en regardant Nikko partir. Tu vas où comme ça ?
- Bah je me bouge ! T'as qu'à rester là encore un peu. T'as pas l'air trop affecté de toute façon !
Nan mais qu'est-ce qu'il a lui ? Je me rue vers lui pour lui faire face.
- Pour qui tu te prends à me parler comme ça ? T'as pas le droit de dire que je m'en fous. Tu crois vraiment que je serai prêt à bousiller ma boite si j'en avais rien à foutre de Lila ?
- Je dis juste qu'au lieu d'attendre comme des cons, on aurait dû faire autre chose !
Nikko a raison, on a attendu trop longtemps sans rien faire. Je récupère mon téléphone dans ma poche arrière et compose le numéro de Lucas, un type qui me faisait de la concurrence avec mes starlettes. Lorsque j'étais paparazzi, je le retrouvais souvent sur les mêmes cibles que moi. On s'était même battu comme des chiffonniers devant la maison de la dernière bimbo sortie d'une télé-réalité. Je sais qu'il a arrêté ce genre de cibles pour se concentrer sur le beau monde de la capitale. Il doit sûrement avoir une ou deux pistes pour moi. Depuis que nous ne sommes plus en concurrence, nos relations ce sont nettement améliorées. J'ai bon espoir...
- Oh ! T'es pas mort toi ? dit-il en décrochant.
- Apparemment... j'aurais besoin de tes services.
- Moi qui pensais que je te manquais... je suis déçu.
- Déconne pas... C'est super important, j'ai vraiment besoin que tu m'aides, dis-je désespéré.
- Je t'écoute...
- Il me faut l'adresse de Henri Keller.
- De Private Hotel ?
- Ouais celui-là.
- Tu lui veux quoi ?
- Je t'ai demandé un service, pas un interrogatoire, dis-je impatient. Tu l'as ou pas ?
- Oh ça va détends-toi ! Toujours aussi aimable à ce que je vois... Je t'envoie ça dès que j'ai mis la main dessus.
- Tu ne la connais pas ?
- Moi et ma mémoire... tu sais bien, dit-il en se marrant.
Je raccroche quelques secondes plus tard, mais pas avant d'être certain que Lucas va faire au plus vite. Je n'en peux plus d'attendre en sachant Lila avec Keller. Je m'imagine tout et n'importe quoi et je suis clairement en train de vriller. Je me sens bouillir à chaque seconde qui me sépare un peu plus d'elle, à tel point que je peux ressentir les palpitations de mon cœur dans chaque parcelle de mon corps. En réalité, j'ai vraiment mal de la savoir loin de moi et déçue par ma faute, abandonnée à Charles Keller. Depuis que j'ai rencontré cette femme, je me maudits à chaque instant d'avoir accepté ce putain de contrat. Et je me déteste encore plus d'avoir mené ma mission à son terme. J'aurai très bien pu inventer une histoire sans queue ni tête pour éloigner Keller d'elle. Il aurait sans doute engagé quelqu'un d'autre pour la retrouver, mais nous serions déjà parti loin, tous les deux. J'aimerai tellement que tout ce cirque ne soit qu'un simple cauchemar et bientôt me réveiller au près de Lila, à Porquerolles, dans la chambre 28. Je sais que je me berce d'illusions, et que je pourrai me traiter de con toute ma vie, ça n'effacera pas ce que j'ai fait. J'espère simplement, naïvement, que Lila me pardonnera et qu'elle aura la force d'oublier mes fautes, que notre amour en sortira gagnant. J'ai bien dit "notre amour", car je sais qu'elle m'aime aussi. Dans ses yeux noisettes, j'ai pu voir l'étendue de ses sentiments pour moi. Dans son visage d'ange, j'ai pu lire tout ce qu'elle n'a jamais dit.
Je regarde Nikko qui s'éloigne à nouveau après mon coup de fil avec Lucas. Il me dit qu'il a seulement besoin d'aller faire un tour pour décompresser. Je peux comprendre qu'il soit bouleversé de savoir son amie dans la détresse. J'espère quand même qu'il ne va pas se perdre dans cette immense ville qui lui est totalement inconnue.
- Il lui arrive quoi à ton pote ? me demande Daniel.
- Oh rien, il est inquiet c'est tout. Et ce n'est pas mon pote mais celui de Lila.
- Ouais bah son pote, il n'est pas seulement inquiet si tu veux mon avis. Ce mec il est accro ! annonce Dan sûr de lui.
- Arrête tes conneries, c'n'est pas drôle.
- Je dis juste ce que je pense mon vieux. Moi après, en fait je m'en fous.
Merde ! Je ne l'avais pas vu venir celle-là. Nikko, amoureux de Lila ? Vraiment ? Putain, il ne manquait plus que ça ! Je suis déjà censé écarter Charles de la course, et maintenant lui ! Nan, Dan raconte des conneries !
* * *
Nous voilà tous les trois devant l'immeuble de Henri Keller. Lucas a tenu parole et n'a pas traîné pour m'envoyer l'adresse du père de Charles. J'espère sincèrement qu'il voudra bien nous recevoir. S'il nous esquive comme tout à l'heure, c'est mort ! Mais je ne sais pas comment enter là-dedans. Sans le code de la porte, nous n'avons aucune chance, et on peut toujours courir pour que Keller nous ouvre lui-même la porte. Après le bordel qu'on a mis au siège de Private Hotel, je ne suis pas certain qu'il apprécie qu'on soit venu jusqu'ici. Mais à cet instant, et dans l'état où je suis, je suis prêt à tout essayer. Avant de réfléchir à autre chose, j'appuis sur l'interphone de Keller Senior. Ma montre indique 23h10, j'espère seulement qu'il n'est pas couché.
- Oui ? résonne dans l'interphone.
- Monsieur Keller ?
- Oui, vous avez vu l'heure ?
- Excusez-moi, mais j'ai à vous parler et c'est très urgent.
- Ça ne pouvait pas attendre une heure normale ? demande-t-il exaspéré.
- Comme je viens de vous le dire, c'est très urgent. On pourrait se parler ailleurs qu'à travers un interphone ?
- Ecoutez, je n'ai pas que ça à faire à parler à je-ne-sais- qui de je-ne-sais-quoi. Bonne soirée.
- C'est à propos de votre fils ! lâché-je avant qu'il ne rompe le contact.
- Je ne suis pas mon fils. Qu'est-ce que vous lui voulez ?
- Laissez-moi entrer et je vous expliquerai.
- Vous n'entrerez nulle part.
Bon, foutu pour foutu...
- Bien, comme vous voudrez... Vous devez empêcher votre fils d'épouser Lila Gauthier.
- En quel honneur je ferai ça ? Lila est parfaite pour mon fils.
- Sûrement, sauf que lui est loin d'être parfait pour elle. Demandez à Lila ce qu'elle en pense...
- De quel droit jugez-vous cette union ? demande-t-il indigné. Le mariage aura lieu samedi comme prévu. Foutez-leur la paix sin-...
- Menacez-moi si vous le voulez, mais vous n'avez pas toutes les cartes en main Monsieur. Moi aussi je pourrai parfaitement vous menacer si l'envie m'en prenait. Votre Charles est loin d'être blanc comme neige. Je pourrai très facilement démonter votre empire et votre image en un claquement de doigts. Votre petite vie de Roi en prendrait un coup, et votre cher fils pourrait même faire carrière derrière les barreaux. Alors allez-y, menacez-moi, ignorez-moi, mais vous ne m'empêcherez pas de faire ce que j'ai à faire. Ce mariage n'aura pas lieu, sauf si Lila est subitement tombée amoureuse de votre enfoiré de fils !
L'interphone grésille et un "bip" me signale que la porte du hall s'ouvre. Nikko saisit la poignée et ouvre. Je soupire de soulagement et relâche les épaules qui s'étaient tendues au fil de mes mots.
- 3ème étage, numéro 11, lâche Henri Keller avant de couper la communication.
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J'ai une méga bonne nouvelle !!!!
Charles dégage la semaine prochaine !!!
Hummmm j'ai hâte !
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Strictement professionnel
RomanceLila, déçue par la vie, déçue par sa famille, déçue par l'amour, prend la fuite à l'autre bout du pays. Même si aucune distance ne pourra effacer le mal qui a été fait. Elle reprend doucement une vie plus sereine, loin de Lui. Mais ne dit-on pas...